Mon discours d’Addis

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 19 juin 2013 Lecture : 2 minutes.

Mesdames, Messieurs les chefs des États membres de l’Union africaine (UA), comme vous, j’ai entendu les propos tenus le 27 mai à Addis-Abeba par Hailemariam Desalegn, président en exercice de notre organisation. Parlant de la Cour pénale internationale (CPI), le Premier ministre éthiopien a affirmé que cette institution mène une sorte de « chasse raciale » en poursuivant uniquement des Africains. Routinier, vous en conviendrez, même si vous pensez comme lui. Après le Soudanais Omar el-Béchir, c’est au tour du nouveau président du Kenya, Uhuru Kenyatta, et de son vice-président, William Ruto, d’être harcelés par la CPI. Si j’ai bien compris Hailemariam, et tous ceux qui soutiennent cette thèse, nous, pauvres Africains, sommes, une fois de plus, victimes d’un complot international. La chasse au nègre a donc repris ? À d’autres ! Car même un nourrisson vous répondra, les yeux dans les yeux : « Areu ! » Traduction : « Votre disque est rayé, changez de logiciel. »

Mesdames, messieurs les chefs d’État, en certaines circonstances, il vaut mieux vous taire. Vous aurez noté que Hailemariam n’a pas rappelé aux Africains que quarante-trois pays du continent ont signé le statut de Rome, dont la CPI est issue. Que trente-quatre d’entre eux en ont ratifié l’acte fondateur. Je vous le concède : c’est un oubli. Soutenir Kenyatta et Ruto ? Soit. Mais est-ce à dire que le Kenya n’a pas connu l’enfer après la présidentielle de décembre 2007 ? Que les politiques n’y ont pas attisé la haine entre communautés, qu’il n’y a pas eu plus de 1 000 morts et des milliers de déplacés ?

Prendre le parti des bourreaux ou des tireurs de ficelles, c’est cracher sur les morts, les veufs et les veuves, les orphelins, les éplorés du Kenya.

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Prendre le parti des bourreaux ou des tireurs de ficelles, c’est cracher sur les morts, les veufs et les veuves, les orphelins, les éplorés du Kenya. C’est cracher sur les femmes violées du Kivu. C’est insulter les estropiés de Sierra Leone. C’est salir la mémoire des femmes de Conakry violées un 28 septembre 2009 et de tous ceux que la soldatesque a abattus de sang-froid. Certains parmi vous portent une très lourde responsabilité dans ces tragédies. Doivent-ils continuer de tuer, de narguer le continent en affichant un nationalisme factice, un panafricanisme cannibale, sans avoir de comptes à rendre ?

L’honneur d’un homme, me disait ma grand-mère, ne consiste pas à recourir à des artifices pour fuir ses responsabilités. L’homme, le vrai, assume. Accusé à tort, il doit prouver son innocence. Reconnu coupable, il expie ses fautes. Rongé par la honte et le remords, il se pend au lieu de pavaner. Il y a parmi vous des dirigeants à la conscience et aux mains souillées par le sang des innocents. Quelle cour avez-vous créée pour les juger ? L’Afrique est maltraitée, humiliée, discriminée ? Et vous voulez qu’on lui fiche la paix ? Ah, la vieille antienne de la victime permanente qui se regarde dans un miroir déformant !

Chers leaders africains, je croirai en votre volonté d’indépendance, en votre soif de dignité le jour où vous ne vivrez plus de dons de l’étranger. Vous ne serez crédibles que lorsque nous pourrons juger ceux qui embrasent l’Afrique. Alors ce sera la fin de l’imposture et le début de notre vraie indépendance. 

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