Birmanie : Wirathu, moine fatal
Avec son crâne rasé et sa robe safran, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Il multiplie pourtant les appels – hélas suivis d’effet – à la haine contre les musulmans.
« Quand vous mangez, quand vous vous déplacez, quand vous vaquez à vos affaires, le nationalisme doit devenir votre routine. Ce n’est pas ce que font les musulmans. Quand ils rejoignent le gouvernement, c’est pour s’y installer et défendre les leurs. Bons commerçants, ils contrôlent déjà le transport et la construction. À présent, ils s’attaquent à nos partis politiques. Si ça continue, nous finirons comme l’Afghanistan ou l’Indonésie ! »
L’homme parle d’une voix douce, posée, presque extatique. Il se nomme Ashin Wirathu – le sayadaw (« révérend ») Wirathu pour ses partisans – et est âgé de 45 ans. Tête rasée et robe safran, il dirige le monastère de Masoeyein, à Mandalay, l’une des plus anciennes écoles bouddhiques de Birmanie, et, le plus tranquillement du monde, appelle ses coreligionnaires à la haine. Exemple ? « Vous pouvez côtoyer un musulman, jamais devenir son ami. » Ou mieux : « Les musulmans sont des violeurs, nos femmes ne sont plus en sécurité face à cette horde sauvage et cruelle. »
Colère
Longtemps, il fit partie de ces moines qui luttaient contre la junte en boycottant les aumônes des militaires. Condamné en 2003 à vingt-trois années de prison pour incitation à la haine contre les musulmans, il a été libéré en 2010, mais reste très, très en colère. Jamais 969 (9 pour les attributs de Bouddha, 6 pour ses enseignements, 9 pour les attributs de l’ordre), l’association antimusulmane qu’il fonda en 2001, n’a compté autant de partisans. Pour les 4 % de Birmans musulmans (30 % dans certaines régions), ces trois chiffres 9, 6 et 9 sont devenus les symboles d’une terreur aveugle. À mille lieues de l’image d’Épinal d’un bouddhisme cool et zen colportée par l’Occident, c’est bien à la haine et au massacre qu’appelle Wirathu. Sans être le moins du monde inquiété par les autorités. Ni le président Thein Sein ni la Prix Nobel Aung San Suu Kyi, l’icône des droits de l’homme, n’ont eu un mot de désapprobation à son endroit.
Au mois de mars, à Meiktila, une petite ville du centre du pays, une vingtaine de garçons ont été massacrés par une foule de bouddhistes rendus hystériques par les sermons du moine fatal. Deux mois après, les rues ressemblent encore à un champ de ruines. Seules taches de couleur sur les poutres calcinées de l’ancienne école islamique du quartier de Maingalar Zay Yone : des stickers ou figurent les trois inévitables chiffres (9, 6 et 9) et l’image du bonze à la voix suave. Pour qui « le chemin de la non-violence passe par le combat ».
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