Madagascar : Jean Omer Beriziky, l’empêcheur de tourner en rond

Contre toute attente, le Premier ministre malgache, Jean Omer Beriziky, a pris la tête du front opposé à une candidature du président de la Transition, Andry Rajoelina.

Le Premier ministre Beriziky est devenu l’ostacle aux ambitions de Rajoelina. © AFP

Le Premier ministre Beriziky est devenu l’ostacle aux ambitions de Rajoelina. © AFP

Publié le 18 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

C’est l’homme à abattre pour les partisans d’Andry Rajoelina. L’empêcheur de tourner en rond. « C’est Iznogoud, celui qui veut être calife à la place du calife », s’irrite un proche du président de la Transition, candidat contesté à l’élection présidentielle dont le premier tour vient d’être repoussé au 23 août.

Qui l’eût cru ? Le Premier ministre, Jean Omer Beriziky (62 ans), qui était encore un inconnu pour la majorité des Malgaches il y a deux ans, est aujourd’hui le principal obstacle aux ambitions de Rajoelina. « C’est lui qui a déclenché la révolte, estime Alain Tehindrazanarivelo, l’un des 41 candidats à l’élection. Son refus de participer au Conseil des ministres a précipité les choses. »

la suite après cette publicité

C’était le 29 mai. Un mercredi, jour traditionnellement réservé au Conseil des ministres que préside Rajoelina. Mais ce jour-là, quand la réunion débute à 15 heures, la salle du palais d’Iavoloha est à moitié vide. Au même moment, Beriziky préside au palais de Mahazoarivo un Conseil de gouvernement improvisé. D’habitude, c’est le mardi qu’il se tient. « Insubordination ! » dénonce l’entourage de Rajoelina.

Le lendemain, Beriziky explique qu’il ne reconnaît plus l’autorité de Rajoelina depuis que ce dernier a refusé de quitter la présidence, comme la loi électorale le lui imposait à compter du 27 mai. Selon cette loi, tout candidat occupant un poste au sein de la Transition doit démissionner soixante jours avant le scrutin. 

Menacé

Le même jour, Beriziky invite les forces armées et les chefs des institutions de la Transition dans son palais. Objectif : trouver une solution pour sortir de l’impasse. Comme la communauté internationale, il s’oppose à la candidature de Rajoelina, ainsi qu’à celles de Lalao Ravalomanana et de Didier Ratsiraka. Le 3 juin, à l’issue d’un conclave réunissant tout ce qui compte dans l’île (les forces armées, les chefs d’institutions et les entités politiques), sa position l’emporte. Il apparaît comme le nouvel homme fort, tandis que Rajoelina se sent plus que jamais menacé : il n’a plus aucun soutien à l’extérieur (même la France en a assez de son entêtement), et l’armée pourrait lui échapper. Mais trois jours plus tard, Beriziky fait marche arrière. Son gouvernement annonce le report du premier tour. La veille, la cour électorale spéciale avait maintenu les candidatures des trois « indésirables ». Volte-face ? Non, affirme-t-il à son entourage. C’est l’armée et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) qui lui auraient demandé de gagner du temps. « Sa position n’a pas c hangé d’un iota », assure un ami.

la suite après cette publicité

En prenant la tête du front du refus, le Premier ministre a surpris jusqu’à ses proches. « Il y a six mois, je ne l’en aurais pas cru capable, dit l’un d’eux. À l’époque, c’était un piètre politique. Mais la fonction l’a changé. » Historien reconverti à la diplomatie dans les années 1990 après avoir lutté aux côtés d’Albert Zafy pour faire tomber le président Ratsiraka, Beriziky n’avait jamais eu d’ambition politique avant que Rajoelina ne l’extirpe de Bruxelles, il représentait son pays depuis seize ans, et ne le nomme à la primature en octobre 2011. Délicate cohabitation entre un président soucieux de tout contrôler et un Premier ministre ne cessant de clamer que son seul patron, c’est la feuille de route de sortie de crise. « Cette confrontation permanente lui a donné des ailes, indique un ami. Il a des ambitions aujourd’hui. Mais il a toujours été très clair : tant que la feuille de route est respectée, il ne sera pas candidat. »

Ces derniers temps, Beriziky aurait reçu des menaces. Mais il dispose d’une double assurance-vie : le soutien de la communauté internationale et le bataillon de sécurité de la primature, l’un des mieux armés du pays.

la suite après cette publicité

__________________

Par Rémi Carayol

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires