Saison sud-africaine : Mandela, inoxydable icône
À l’occasion de la Saison sud-africaine en France, la mairie de Paris célèbre le parcours exemplaire de Mandela. Sans tomber dans l’hagiographie béate.
Sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris, où les matchs du tournoi de tennis de Roland-Garros sont diffusés en direct, le visiteur curieux remarquera un étrange bloc de métal gris. S’il prend le temps d’entrer dans cette chambre de moins de 5 m2, il apprendra qu’il s’agit là de la réplique de la cellule de Robben Island (Afrique du Sud), où Nelson Mandela passa dix-huit années de sa vie… Alors que la Saison sud-africaine vient tout juste d’être lancée en France, la mairie de Paris a choisi d’honorer le grand homme du XXe siècle en accueillant (jusqu’au 6 juillet) l’exposition « Nelson Mandela, de prisonnier à président », conçue par le musée de l’Apartheid pour les 90 ans de Madiba, en 2008. Vue par quelque 800 000 visiteurs, celle-ci a pour l’heure fait étape en Suède et devrait, après la France, être présentée au Luxembourg et, sans doute, au Canada. « Nous aimerions qu’elle voyage en Afrique, confie Christopher Till, le directeur du musée de l’Apartheid à Johannesburg, mais c’est une très importante exposition et nous rencontrons beaucoup de problèmes logistiques sur le continent. »
Cette présentation du premier chef d’État noir d’Afrique du Sud a le mérite d’être quasi exhaustive.
Pédagogique au point d’en être parfois un peu trop scolaire, cette présentation du premier chef d’État noir d’Afrique du Sud a le mérite d’être quasi exhaustive sur son parcours exemplaire, riche en photos, vidéos, documents et oeuvres diverses. Dont la maquette de la sculpture de Marco Cianfanelli représentant le profil de Madiba avec 50 piliers d’acier découpés au laser, où l’on retrouve l’idée de la multitude des combattants unis derrière l’homme charismatique, chef incorruptible et icône inoxydable.
Pas un saint
L’hagiographie béate pourrait avoir des relents de propagande politico-religieuse… Les concepteurs de l’exposition ont évité le piège. « Nous montrons comment est perçu Mandela chez lui et dans le monde, mais nous tenons à rappeler que lui-même ne se considère pas comme un saint, qu’il se voit seulement comme le chef d’un mouvement de libération, explique Till. Bien sûr, il demeure très respecté en Afrique du Sud, où tout le monde aime Tata Madiba. Sa crédibilité reste extrêmement puissante, notamment parce qu’il a montré qu’il ne pouvait pas être corrompu, qu’il n’était pas obsédé par le pouvoir et que son seul but était la libération du peuple. »
Le visiteur attentif saura trouver ici et là dans l’exposition les bémols qu’il convient d’apporter pour brosser un portrait véritablement humain d’un héros qui prête malgré tout peu le flanc à la critique. Si Till rappelle la rencontre avec Kadhafi ou le scandale des achats d’armes qui entacha la fin du mandat de Mandela et la réputation de membres haut placés du Congrès national africain (ANC), l’exposition souligne aussi certaines tendances autoritaires, une manière un peu naïve de faire confiance à ses collaborateurs ou à ses proches, une réaction un peu tardive à la pandémie due au VIH. Mais ces reproches sont bien légers au regard de ceux adressés, l’air de rien, à La-France-Patrie-des-Droits-de-l’Homme et à son grand homme : « En 1960, Charles de Gaulle et Hendrik Verwoerd, l’architecte de l’apartheid, signent un pacte secret, dont les termes stipulent que l’Afrique du Sud et la Namibie fourniront de l’uranium à la France en échange de technologie nucléaire et de matériel militaire français. En 1965, la France est le plus grand fournisseur d’armes de l’Afrique du Sud ; cette industrie emploie plus de 100 000 salariés en France. » Certaines vérités sont bonnes à dire, même longtemps après.
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