Congo : rhythm and blues
Temple de la rumba, du jazz et de la sape, le bar-dancing de Poto-Poto s’offre une nouvelle jeunesse.
Congo : l’âge de la sagesse
La rue Mbakas à Poto-Poto, quartier populaire de l’est de Brazzaville, est l’une des plus fréquentées de la capitale. C’est une artère commerçante, spécialisée dans le wax, où les marchands, depuis des générations, sont originaires d’Afrique de l’Ouest, et les boutiques, bien fournies, collées les unes aux autres. Jusqu’à l’invite du petit immeuble du numéro 29, en lettres blanches sur panneau bleu : « Night-Club, Espace Faignond, Nkolo Mboka. Tous les jours de 12 heures à l’aube. Jamais sans nous. » Pour en savoir plus, il faut pousser une porte étroite et monter à l’étage.
À cette heure de l’après-midi, il y a peu de monde sur la petite piste de danse. Au plafond, un jeu de lumière tournoie. Quelques téléviseurs complètent le décor – pour que les clients ne ratent pas les matchs de football -, ainsi que des climatiseurs. Au bar, une serveuse explique que la boîte de nuit a été prise en location par un gérant « qui n’est pas de la famille Faignond ». Pour le bar-dancing, que plusieurs générations de Brazzavillois et de Kinois ont fréquenté, l’entrée se fait désormais par la rue Loango, une artère parallèle. Mais là où trônait l’établissement, tout est en chantier. L’histoire se serait-elle arrêtée ? Pas tout à fait.
Berceau des bantous
Londres a ses pubs, Paris ses terrasses de café et Brazza ses bars-dancings. Le plus célèbre et le plus populaire d’entre eux est sans nul doute Chez Faignond, l’un des tout premiers. Ouvert en 1948 par Émile Joachim Faignond, un métis franco-congolais alors âgé de 30 ans (et décédé en 2009), l’établissement est rapidement devenu le lieu de rendez-vous de tous ceux qui comptent à Brazzaville et à Kinshasa (alors Léopoldville). Chanteurs, intellectuels, diplomates, hauts fonctionnaires, Congolais des deux rives, mais aussi – c’était inédit – colons du quartier européen… Pendant plus de vingt ans, Chez Faignond a été le pôle d’attraction le plus cosmopolite, le plus créatif et le plus en vogue. « C’était un espace exceptionnel au coeur de Poto-Poto, où se retrouvait ce qu’il y avait de meilleur sur les deux rives du fleuve Congo. Il a pris de l’ampleur à la fin des années 1950, grâce à tous les orchestres de Kinshasa et de Brazzaville qui s’y produisaient », se souvient Philippe Ondzé, dit don Fernand, un septuagénaire de Poto-Poto. C’est d’ailleurs là qu’est né, le 15 août 1959, un an avant l’indépendance, le célèbre orchestre Les Bantous de la capitale.
En 1972, Chez Faignond devient un espace fermé. « Les gens venaient pour vivre. Il y avait quelquefois des bagarres pour des histoires de femmes », poursuit Ondzé. Car il n’y avait pas que la musique et la danse dans cet éden des ambianceurs. « Le propriétaire était un bon footballeur. Il organisait des combats de boxe que nous allions suivre, en resquillant, comme pour les concerts, quand nous étions ados », raconte un quinquagénaire, qui, à l’époque, vivait à quelques pâtés de maisons du dancing. « Moi, j’ai continué à y aller jusqu’en 2012 », s’enthousiasme Ondzé. Les descendants d’Émile Joachim Faignond ont décidé de ranimer le monument. L’un des fils du fondateur vient d’engager des travaux pour donner un nouveau souffle à l’entreprise. Au programme : la construction d’un nouveau bar, qui proposera du karaoké, mais aussi d’un restaurant-snack et de quelques chambres d’hôte, dont au moins une suite.
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