Congo : escale à Dolisie
Depuis l’ouverture de la nationale qui la relie à Pointe-Noire, la troisième ville du pays retrouve peu à peu son dynamisme et multiplie les projets. Elle attire même les touristes.
Congo : l’âge de la sagesse
Inauguré fin décembre 2011, le tronçon de la route nationale 1 qui relie Pointe-Noire (Ponton) à Dolisie (Dol) facilite la circulation des personnes et des marchandises, parallèlement à la ligne du célèbre Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), jusqu’alors seule liaison terrestre entre la capitale économique du pays (1 million d’habitants) et le chef-lieu du Niari (100 000 habitants). Deux heures et demie de route suffisent désormais pour parcourir les 160 km qui les séparent. Une aubaine pour les nombreux usagers et pour l’ensemble de la population de la région, dont le quotidien s’en ressent.
« Dolisie nous approvisionne désormais tous les jours en produits vivriers, ce qui ne peut que contribuer à la baisse des prix. Et nous avons remarqué que les agriculteurs sont de plus en plus actifs. Cette dynamique conduira certainement à un recul de l’exode rural, à condition toutefois qu’il y ait un accompagnement du ministère de l’Agriculture », commente le maire de Pointe-Noire, Roland Bouiti-Viaudo. Son homologue dolisien, Paul Adam Dibouilou, confirme : « Nous sommes devenus le grenier de Pointe-Noire, d’où nous rapportons des produits manufacturés, de la quincaillerie, de la farine, etc. »
Occasion
Ce dimanche matin, le départ de Pointe-Noire vers Dolisie était fixé à 10 heures. Pourtant, le chauffeur, joint plusieurs fois par téléphone, ne donne plus signe de vie. Ses confrères, appelés à la rescousse, répondent l’un après l’autre qu’ils ne travaillent pas « le jour du Seigneur »… à moins que l’on ne loue leur véhicule pour l’aller et le retour – ce qui est abusif car ils n’auraient aucun mal à trouver des passagers pour le retour, les Congolais cherchant « une occasion » (c’est-à-dire un moyen de transport) de Dolisie à Pointe-Noire étant légion. Il est midi quand le portable sonne. Le chauffeur se dit prêt à venir, arguant pour justifier son grand retard que son mobile était déchargé et jurant la main sur le coeur que nous serons à Dolisie vers 14 heures.
Dol, avec sa terre rouge, sa verdure, son lac Bleu, devient la destination du weekend.
À la sortie de Pointe-Noire, avant de s’engager sur la RN 1, surgissent un marché coloré et très animé ainsi qu’une horde de véhicules, essentiellement des minibus et des taxis, garés de façon anarchique. Des « rabatteurs » donnent de la voix pour attirer des passagers à destination de Dol ou des localités avoisinantes. L’un des taxis embarque quatre personnes à l’arrière, deux à côté du chauffeur. Chacun paie 7 000 F CFA (10,70 euros), sans oublier un supplément pour les bagages. Si un voyageur veut louer seul une voiture, il devra débourser 60 000 F CFA. Deux sociétés de transport (Trans Route Congo, créée en 2011 et basée à Dolisie ; Ponton-Dol, basée à Pointe-Noire), avec huit bus à elles deux, assurent également la liaison entre les deux villes. Tarif : 7 000 F CFA par passager.
En quittant la cité océane pour la nationale, passage obligé par un poste de péage. Les automobilistes s’arrêtent devant… et les policiers qui y sont affectés se contentent d’actionner la barrière automatique : le passage est libre, personne ne paie rien. Pourtant, lors de la mise en service du tronçon, les autorités congolaises avaient annoncé qu’elles allaient confier la gestion des deux postes de péage – l’un à Pointe-Noire, l’autre à Dolisie – à une société privée. Apparemment, ce n’est pas encore le cas. Il était aussi prévu d’installer quelques stations-service le long de la route. Aucune n’a encore été construite. Pas de bretelles, non plus, pour accéder aux localités situées le long du parcours.
C’est dimanche. Le trafic est donc fluide et particulièrement calme. Les quelques automobilistes présents se montrent prudents, pour ne pas se laisser surprendre par la configuration souvent sinueuse de la route, taillée dans le massif du Mayombe. Ici et là, sur les bas-côtés, des véhicules emboutis, parfois couchés sur le dos, témoignent des nombreux carambolages causés par les chauffards, même si, à en croire le maire de Pointe-Noire, « les accidents les plus mortels, c’était au début ». Ponctuant également le paysage, nombre de bidons sont alignés sur le bord de la route. « Ce sont ceux des villageois. Ils vendent du carburant de contrebande, question de survie », explique le chauffeur.
Cité ouvrière
À 14 h 30, deux heures et demie très exactement après avoir quitté Pointe-Noire, voici Dolisie. À l’entrée de la ville, un péage. Et toujours rien à débourser. Le policier, assis dans une cabine, se contente ici aussi d’ouvrir la barrière.
La ville a beaucoup profité de la RN 1. Carrefour industriel jadis florissant, elle a connu des périodes de crise dans les années 1990, avec notamment la fermeture de la Société congolaise de bois (Socobois), qui a mis la moitié de sa population au chômage. Aujourd’hui, la ville prend un nouveau départ, s’équipe, se modernise et recommence à faire des projets. Et ils sont nombreux. « Une cimenterie doit démarrer ses activités d’ici à la fin du mois [de mai] et des usines abandonnées depuis des années, comme celle de la Fonderie du Congo, vont redémarrer leurs activités dans les trois prochains mois, souligne Paul Adam Dibouilou. La Société nouvelle des fers du Congo va aussi construire, entre autres, dans le cadre de ses engagements en faveur de la ville, une cité ouvrière et un lycée technique. Par ailleurs, le Conseil congolais des chargeurs a identifié un site où les propriétaires de tous les conteneurs routés sur Dolisie par rail et par route devront payer les taxes. Enfin, un autre projet important pour les Dolisiens : la construction de 5 000 logements, qui seront réalisés par une société équato-guinéenne. »
La fréquentation des hôtels n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était il y a encore deux ans. « Grâce à la route, nous faisons de bonnes affaires, se réjouit Amédée Kakou, le directeur du Grand Hôtel. Énormément de clients viennent de Pointe-Noire. Ce sont soit des familles, qui viennent passer quelques jours, soit des gens de Ponton ou même de Brazzaville arrivés pour affaires, pour des colloques ou simplement pour se reposer. Ou encore pour assister aux matchs internationaux de l’AC Léopards (lire pp. 78-80), surtout depuis que l’équipe a la cote. Les Congolais comme les expatriés sont attirés par notre ville. » Celle-ci devient en effet la nouvelle destination de week-end des Ponténégrins, qui découvrent ou redécouvrent Dol, sa terre rouge, sa verdure, son lac Bleu et l’air pur des monts environnants, ses restaurants, la centaine de boutiques et le millier d’étals de son nouveau marché central… Ouvert en 2011, ce dernier fait partie des équipements réalisés dans le cadre de la « municipalisation accélérée » engagée par l’État dans les chefs-lieux du pays. La gare routière et l’aéroport Ngot-Nzoungou ont été modernisés, les réseaux d’eau et d’électricité réhabilités et densifiés. Ici, sauf rarissimes incidents et contrairement aux grandes villes que sont Brazzaville et Pointe-Noire, l’eau potable et l’électricité sont disponibles en permanence.
L’envol que prend la ville devrait se confirmer, et son développement s’accélérer avec l’ouverture, l’an prochain, du tronçon de la RN1 entre Dolisie et Brazzaville. Comme le fait remarquer le maire de Pointe-Noire, « les gros camions n’ont pas attendu la fin des travaux pour l’emprunter » : ils commencent déjà à rallier la capitale à la ville côtière, en ne manquant pas de faire escale à Dolisie.
La RN 1 en chiffres
Distance 545 km de Pointe-Noire à Brazzaville
Tronçon Pointe-Noire – Dolisie 160 km, livrés en décembre 2011
Tronçon Dolisie-Brazzaville 385 km, livraison prévue en décembre 2014
Coût global estimé 900 milliards de F CFA (1,4 milliard d’euros)
Maître d’oeuvre Délégation générale des grands travaux (DGGT) du Congo
Constructeur China State Construction and Equipment Corporation (CSCEC)
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