Bertin Nahum : la précision chirurgicale
Né au Sénégal, fils de Béninois et orphelin très jeune, cet entrepreneur ambitieux révolutionne le monde de la chirurgie avec la haute technologie de ses robots spécialisés.
C’est une pièce sans fioritures. Une simple table, trois chaises et un bureau entre quatre murs de crépi blanc. Rien n’y rappelle que son occupant est l’un des créateurs les plus avant-gardistes de la planète. Enfin, si l’on en croit la revue canadienne Discovery Series, qui, en septembre 2012, plaçait Bertin Nahum, Français d’origine béninoise de 43 ans, parmi les « 10 entrepreneurs high-tech les plus révolutionnaires », juste derrière le défunt fondateur d’Apple, Steve Jobs, celui de Facebook, Mark Zuckerberg, et le réalisateur James Cameron (Avatar, Titanic…).
« Rosa », l’invention à l’origine de cette consécration, est un robot d’assistance à la neurochirurgie. Avec son bras articulé, cet engin permet de positionner l’instrument du chirurgien dans l’axe précis qui permettra d’atteindre une zone particulière du cerveau. Des gestes tels que le retrait d’une tumeur ou l’implantation d’électrodes, habituellement réalisés à main levée, peuvent désormais l’être avec plus de précision et de sécurité. Le robot, assemblé dans le petit atelier montpelliérain de Bertin Nahum, est vendu 300 000 euros l’unité et équipe aujourd’hui une vingtaine d’hôpitaux dans le monde (aux États-Unis, au Moyen-Orient ou en Chine).
Parfaitement à l’aise devant les caméras qui affluent depuis cette consécration, Bertin Nahum affiche un large sourire et une sérénité déroutante. « Je ne veux surtout pas faire un récit larmoyant, explique-t-il. Mais disons que, du fait de mon histoire, je me suis bâti une carapace. » Né au Sénégal « par hasard », avant d’arriver en France à l’âge de 1 an, Bertin Nahum a perdu très jeune ses deux parents béninois, qui tenaient une épicerie exotique à Lyon. Placé dans une « maison d’enfants » de la DDASS à l’âge de 8 ans, il a vu son pays d’origine pour la première fois à l’âge adulte, à l’heure de le faire découvrir à ses propres enfants.
Ses origines béninoises sont donc « à la fois anecdotiques et essentielles ». Il ne les renie pas, bien sûr, mais ses racines ont été coupées et il refuse de les afficher en étendard. « J’ai sans doute déjà été victime de racisme, comme beaucoup de gens, mais je crois que les obstacles les plus insurmontables sont ceux qu’on érige soi-même, dans sa tête. »
Il n’empêche que l’un d’eux, il en a la conviction, est à chercher dans le système scolaire français. « Je reviens de deux ans aux États-Unis, où j’ai implanté une filiale. J’ai pu voir la différence avec mes enfants. En France, on est excellent au niveau des connaissances académiques. Mais l’école ne vise en réalité pas à former. Elle utilise l’enseignement pour sélectionner. C’est très différent. »
Ancien élève « moyen » selon lui, mais diplômé de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon, il décide, en 2002, de quitter un confortable poste d’ingénieur roboticien pour fonder sa propre entreprise, Medtech, avec des idées un peu folles de création de robots. Il s’implante à Montpellier pour attirer plus facilement les compétences dont il aura besoin. « La fuite des cerveaux est d’ailleurs l’un des problèmes cruciaux en Afrique, analyse-t-il. Je n’aurais jamais pu développer cette entreprise sans les ressources humaines que l’on trouve ici. »
La première création de Medtech est une machine d’assistance à la pose de prothèse de genou. Ses résultats sont encourageants, mais ne lui permettent pas de financer le développement de Rosa, qui est déjà son idée fixe. En 2006, il vend son premier robot à la société américaine Zimmer, leader de la chirurgie orthopédique. « La Direction de la surveillance du territoire [les anciens services des renseignements français] est venue me voir. Ils m’ont fait comprendre qu’ils n’étaient pas contents que l’on vende cette technologie aux Américains. Je leur ai dit qu’ils arrivaient un peu tard. J’avais cherché sans succès des financements en France. Mais je n’ai pas eu d’autres choix pour développer ma société. »
Bertin Nahum planche désormais sur un nouveau robot, destiné à la chirurgie de la colonne vertébrale. Et ces jours-ci l’atelier de Medtech tourne à plein régime avec des machines prêtes à être expédiées aux quatre coins de la planète… Mais pas en Afrique. « C’est une technologique chère. Il y a toutefois quelques hôpitaux suffisamment bien dotés qui pourraient l’acquérir. Mais ils sont trop rares pour que nous investissions sur le continent. »
Jusqu’où ira Bertin Nahum, avec ses idées folles et son inébranlable confiance en lui ? « Notre ambition, c’est de devenir leader mondial du secteur », affirme-t-il. Sans complexe.
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