Allemagne : la tueuse brune devant ses juges

Avec ses amis de la NSU, une cellule néonazie, Beate Zschäpe était en guerre contre les étrangers. Pourquoi a-t-il fallu onze ans pour la neutraliser ?

Beate Zschäpe, le 8 mai. © AFP

Beate Zschäpe, le 8 mai. © AFP

Publié le 6 juin 2013 Lecture : 2 minutes.

C’est dans un contexte tendu que, le 14 mai, devant le tribunal de grande instance de Munich, s’est ouvert le procès de la cellule néonazie NSU (pour « clandestinité nationale-socialiste ») responsable de l’assassinat de dix personnes – dont neuf d’origine étrangère – entre 2000 et 2007. Quatre-vingt-quatre jours d’audience, 600 témoins, 62 avocats, 86 parties civiles… On se croirait revenu au temps des grands procès d’après-guerre, comme celui de la bande à Baader, en 1977.

Tous les regards sont braqués sur Beate Zschäpe, 38 ans, la seule survivante du trio de tueurs. Originaire d’Iéna, dans l’ex-RDA, elle appartient à la mouvance néonazie depuis l’adolescence. Outre les meurtres dont elle est accusée, elle a participé à une quinzaine de braquages de banques. Le 8 novembre 2011, elle s’est rendue à la police après avoir incendié l’appartement qui lui servait de planque. Depuis, elle se mure dans le silence. Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt, ses deux complices, s’étaient donné la mort quatre jours auparavant. Quatre personnes soupçonnées de les avoir aidés sont jugées pour complicité.

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Protections ?

« Mes clients attendent la justice, sans esprit de vengeance, explique Me Mehmet Daimagüler, avocat de deux familles de victimes. Mais ils ne croient pas que tous ceux qui devraient l’être soient sur le banc des accusés. Ils ne croient pas qu’un groupuscule ait pu sévir pendant quatorze ans dans la clandestinité sans avoir bénéficié de protections. » L’Allemagne est en pleine introspection. Chacun s’efforce d’évaluer la responsabilité des autorités et, en premier lieu, de la police, qui, plutôt que d’enquêter dans les milieux d’extrême droite, a longtemps privilégié la piste du crime organisé, du trafic de drogue et de la mafia turque. Pour évoquer cette sinistre affaire, la presse parle souvent de « meurtres döner », allusion pas très subtile au döner kebab turc. « Pendant dix ans, mes clients n’ont pas eu le droit d’être des victimes. Sous l’effet de ce qu’il faut bien appeler une forme de racisme institutionnel, ils étaient présentés comme des accusés », s’indigne Me Daimagüler.

Incapables de repérer et de neutraliser la cellule néonazie, les services de renseignements sont eux aussi visés. L’an dernier, leur chef a été contraint de démissionner. Le pays découvre avec stupéfaction le rôle trouble joué par les informateurs infiltrés dans les mouvements d’extrême droite. Beaucoup étaient notoirement des sympathisants de ceux qu’ils étaient chargés de surveiller ! « Il est désormais clair que la dangerosité de la cellule terroriste était perceptible dès 1998, soit deux ans avant le début de la série de meurtres », estime Hans-Christian Ströbele, un élu vert qui a participé à la commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur ce fiasco.

Le parcours des accusés, tous nés dans l’ex-Allemagne de l’Est, va également être passé au crible par le tribunal. Enfance difficile, traumatisme de la chute du mur de Berlin, résurgence du néonazisme lors de la réunification… Combien sont-ils à nourrir une telle haine de l’étranger ? « Ces jeunes gens ont pu développer leur phobie, il y avait un terreau pour cela, analyse Bernd Wagner, spécialiste des mouvements d’extrême droite. La société allemande doit entamer une réflexion de fond sur ce phénomène. »

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