Terrorisme : Michael Adebolajo ou l’itinéraire d’un Nigérian à la dérive

Comment un enfant si poli et si timide a-t-il pu se transformer en un tueur fanatisé ? C’est la question que se pose toute l’Angleterre après le meurtre sanglant commis par Michael Adebolajo.

Michael Adebolajo, quelques minutes après le meurtre de Lee Rigby. © Capture d’écran.

Michael Adebolajo, quelques minutes après le meurtre de Lee Rigby. © Capture d’écran.

Publié le 5 juin 2013 Lecture : 4 minutes.

« Arrêtez de dire que Michael Adebolajo est d’origine nigériane, parce que rien ne le lie au pays de ses parents ! » s’emporte Faith Ibi Chukwu depuis Lagos. « Ce boucher n’est pas nigérian, je refuse de le reconnaître comme tel », s’offusque un autre Nigérian. On serait tenté de croire qu’en guerre contre les terroristes de Boko Haram, le Nigeria ne se sentirait pas concerné par le drame qui s’est joué, le 22 mai, à Woolwich, dans la banlieue est de Londres. Pourtant, sur les réseaux sociaux, étudiants, journalistes et militants déversent leur trop-plein d’horreur et de frustration devant l’acte odieux perpétré par Michael Adebolajo. Né de parents nigérians, cet islamiste radical de 28 ans a froidement assassiné Lee Rigby, un militaire de 25 ans.

En début d’après-midi ce 22 mai, Adebolajo et son acolyte, Michael Adebowale, 22 ans, ont percuté Rigby, qui marchait sur le trottoir d’une rue tranquille. Ils sont ensuite descendus du véhicule, l’ont poignardé à plusieurs reprises en criant : « Allah Akbar », avant de tirer son corps au milieu de la chaussée et de tenter de le décapiter à coup de hachoir. Les passants étaient tétanisés. Quelques-uns ont fini par sortir de leur léthargie pour appeler les secours. Le plus téméraire des badauds s’est servi de son téléphone portable pour filmer la scène. Et c’est devant l’objectif du journaliste de circonstance que Michael Adebolajo, bonnet vissé sur la tête, mains poisseuses de sang, a justifié son geste durant ce qui semble être une éternité. « Je l’ai tué parce qu’il a assassiné des musulmans, explique-t-il dans un anglais impeccable. J’en ai marre des gens qui tuent des musulmans en Afghanistan, ils n’ont rien à faire là-bas. » « Vraiment désolé que des femmes aient assisté à ça, mais c’est ce que nos femmes voient tous les jours », continue Adebolajo, avant de menacer les Britanniques. « Vous ne serez jamais en sécurité. Chassez votre gouvernement, il ne se préoccupe pas de vous », a-t-il ajouté.

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Qu’est-il arrivé à l’adolescent souriant – et timide – dont les photos font désormais la une des tabloïds anglais ? Qui lui a enseigné ce discours de parfait jihadiste ? Il ne reste rien du garçon poli et attachant qu’ont connu ses amis de lycée ni de la foi chrétienne qui l’animait. Né en décembre 1984 à Lambeth, un quartier du sud de Londres, Michael était pourtant un garçon sans histoires. Ses parents, nigérians, se sont installés en Grande-Bretagne au début des années 1980, et sont parfaitement intégrés. Le père, Anthony, est infirmier dans un hôpital psychiatrique ; sa mère, travailleuse sociale et chrétienne fervente, ne rate jamais l’office du dimanche, selon d’anciens voisins cités par le Daily Telegraph. La famille a peu de rapports avec le Nigeria, pour ne pas dire aucun.

Radicalisé

Mais tout s’est gâté en 2003. Adebolajo a 19 ans, et il traîne avec un gang de Nigérians. Son quotidien ? Rapines, agressions au couteau et usage de drogues. Pour l’éloigner des ennuis, la famille déménage à Saxilby, à trois heures de la capitale britannique. Ce sera peine perdue. Un an plus tard, il revient dans la capitale et s’inscrit à l’université de Greenwich, en sociologie.

C’est à ce moment-là qu’il se rapproche des milieux radicaux. Et en la matière, la Grande-Bretagne n’est pas à plaindre. Le « Londonistan », comme on surnomme le réseau d’organisations extrémistes musulmanes, protégé par la sacro-sainte liberté d’expression, prospère. Ses ténors sont Omar Bakri Mohammed et Anjem Choudary, qui multiplient les prêches violents et accueillent à bras ouverts les apprentis jihadistes. Les deux hommes sont même soupçonnés d’avoir organisé des filières à destination du Pakistan, de l’Afghanistan et de l’Irak. Mais ils reconnaissent à peine avoir coaché le nouveau converti. Pourtant, c’est au sein d’Al-Muhajirun, fondé par Bakri Mohammed, que Michael Adebolajo se plonge dans l’islam, s’abreuvant des préceptes du Syrien Bakri Mohammed et se renseignant sur la meilleure façon de servir Allah. Bakri Mohammed est finalement expulsé de Grande-Bretagne en 2010. Mais il est déjà accusé d’avoir expliqué à ses disciples que décapiter les infidèles est conforme aux principes élémentaires du Coran. Cela explique-t-il le geste de Michael Adebolajo ? Sûrement. Car en 2010 déjà, il avait entrepris de se rendre dans un vivier de jihadistes. En novembre de cette année-là, il avait été interpellé sur l’île de Pate, au large du Kenya. Point de passage par excellence vers la Somalie… et les Shebab.

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Repéré

À présent, les services secrets britanniques, le MI5, doivent s’expliquer devant le Premier ministre – et les Britanniques – sur leur supposée passivité face à un jihadiste en devenir. Expliquer pourquoi ils l’ont considéré comme peu dangereux, alors qu’il avait déjà été repéré dans des manifestations hostiles à l’intervention de l’Otan en Irak et en Afghanistan. Et se prononcer sur les témoignages de son beau-frère et de l’un de ses amis d’enfance, convertis comme lui, qui prétendent que le MI5 a tenté, sans succès, de l’utiliser pour infiltrer les filières terroristes.

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Quant à Michael, peut-être devra-t-il expliquer à sa famille comment lui, le garçon si poli et si gentil, qui manifestait l’envie de travailler dans le social, a pu commettre un acte d’une telle barbarie à quelques mètres seulement d’une école primaire.

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