Francisco Ferreira : « À l’Afrique d’explorer ses propres voies de développement ! »

Francisco Ferreira, qui pilote la recherche économique sur l’Afrique subsaharienne à la Banque mondiale, est formel : plutôt qu’une industrialisation massive, le continent devrait privilégier l’agriculture et des activités à forte valeur ajoutée. Et aider aussi les petites activités et les petits projets.

Francisco Ferreira, chef économiste Afrique à la Banque mondiale, est un spécialiste des questions de développement. © Banque mondiale

Francisco Ferreira, chef économiste Afrique à la Banque mondiale, est un spécialiste des questions de développement. © Banque mondiale

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Publié le 30 décembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Depuis le départ, il y a quelques mois, de Shanta Devarajan pour le département Moyen-Orient et Afrique du Nord de la Banque mondiale, Francisco Ferreira est le nouvel homme fort de la recherche économique pour l’Afrique subsaharienne à Washington. Né à São Paulo et diplômé de la prestigieuse London School of Economics, le Brésilien est un spécialiste des questions de développement ainsi que de réduction de la pauvreté et des inégalités.

Propos recueillis par Frédéric Maury

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Jeune Afrique : 2014 est la dernière année pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. Le bilan africain est-il si mauvais qu’on le dit ?

Francisco Ferreira : C’est un mélange de bon et de mauvais. Beaucoup de pays, comme l’Éthiopie, ne sont pas loin d’atteindre ces objectifs. Mais les pays fragiles ou sortant d’un conflit ont fait beaucoup moins bien, notamment en termes de statistiques de mortalité.

Dans le monde en développement en général, chaque point de croissance entraîne une réduction de 2 % de la pauvreté. En Afrique, ce chiffre tombe à 0,7 %.

La pauvreté a tout de même augmenté…

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Tout dépend si l’on parle en termes absolus ou relatifs. Entre 1999 et 2010, l’Afrique a connu ses meilleures performances en matière de réduction de la pauvreté, avec un taux d’habitants vivant avec moins de 1,25 dollar par jour passé de 58 % à 48 %. Toutefois, la croissance de la population a fait qu’en nombre absolu la pauvreté a en effet augmenté. Il y a un autre point important : c’est ce qu’on appelle l’élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance. Dans le monde en développement en général, chaque point de croissance entraîne une réduction de 2 % de la pauvreté. En Afrique, ce chiffre tombe à 0,7 %. C’est aussi pour cela qu’entre 1990 et 2010 la pauvreté a chuté de 44 points de pourcentage en Asie de l’Est, quand elle baissait de 8 points sur le continent.

La transformation économique de l’Afrique, tout le monde en a parlé en 2013. Comment passer à l’acte ?

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Les défis sont nombreux et très larges. Nous devons accorder une importance particulière à l’augmentation de la productivité dans l’agriculture. Il y aura certes de moins en moins de ruraux, mais ce secteur continuera à employer le plus de personnes ; il y a donc là un moyen important de réduire la pauvreté. Il faut également accroître les liens économiques entre les zones de production agricole et les villages. Car l’agriculture peut générer de l’emploi non agricole, via de petites activités parallèles. Un moyen de les développer, c’est bien sûr de favoriser l’accès au crédit. Aider ces petites activités est moins impressionnant que construire un aéroport ou découvrir un puits de pétrole, mais c’est beaucoup plus efficace en termes de réduction de la pauvreté.

La Banque mondiale met aussi l’accent sur les infrastructures…

La réduction des coûts logistiques, qui sont deux fois plus élevés qu’ailleurs, est un élément clé. Tout est à faire : construire des routes, électrifier les zones rurales, etc. J’insiste sur le fait qu’il faut aider les grands projets comme les petits quand ces derniers sont viables. De manière générale, j’ai une préférence pour les projets qui vont vers les plus pauvres.

L’industrialisation massive est plus dure à développer qu’on ne le croit, dans la mesure où l’Asie est déjà présente sur ce créneau et est compétitive.

Et l’industrialisation ?

C’est aussi un point important, mais l’industrialisation massive est plus dure à développer qu’on ne le croit, dans la mesure où l’Asie est déjà présente sur ce créneau et est compétitive. Outre le problème du manque d’infrastructures, nombre de pays souffrent de l’appréciation de leur monnaie en raison de la demande pour leurs matières premières. Cela n’aide pas à être compétitif. Certains pays, comme le Chili et la Norvège, ont réussi sans industrialisation massive. L’Afrique doit explorer ses propres voies de développement et penser à des activités à forte valeur ajoutée.

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Quel est le rôle de l’État dans tout ça ?

Les États africains qui possèdent des richesses naturelles doivent réfléchir à la manière de les redistribuer, en investissant dans les infrastructures, par exemple, ou dans le capital humain.

Le capitalisme d’État n’a pas fonctionné en Argentine, au Brésil et dans nombre de pays africains. Les gouvernements doivent d’abord créer des cadres législatifs efficients, instaurer une bonne gouvernance et investir dans les infrastructures. Avant de vouloir dupliquer le modèle chinois, qu’ils s’occupent des choses élémentaires : l’éducation, les routes, les hôpitaux.

Une inquiétude pour 2014 ?

J’aimerais que les gouvernements maintiennent un cadre macroéconomique sain, comme ils ont su le faire depuis dix ans, avec une inflation faible et des déficits maîtrisés. Tout cela garantit une plus faible vulnérabilité face aux crises et aux chocs internationaux. Nous entrons dans une phase où les prix des matières premières n’augmenteront plus aussi vite qu’avant, où la liquidité internationale risque de se réduire, en partie du fait de l’action de la Réserve fédérale américaine. Je vois les déficits augmenter dans certains pays comme le Ghana, notamment en raison d’une flambée salariale. Ce n’est pas un sujet immédiat d’inquiétude, mais il ne faudrait pas que cela le devienne.

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