Cameroun : coup d’État à la CBC

Nouveau rebondissement dans le feuilleton Commercial Bank-Cameroun : les parts des actionnaires majoritaires ont été mises sous séquestre. De sa prison, Yves Michel Fotso crie au vol.

Un guichet de la Commercial Bank of Cameroon. © Maboup

Un guichet de la Commercial Bank of Cameroon. © Maboup

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Publié le 23 décembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Yves Michel Fotso et ses associés enragent : « passage en force ! », « tentative d’expropriation ! » fulminent-ils. Quelques jours après l’assemblée générale mixte de Commercial Bank-Cameroun (CBC, sous administration provisoire de l’État depuis 2009), les représentants de l’homme d’affaires camerounais, qui possède plus de la moitié du capital (via Capital Financial Holdings Luxembourg, 46,57 % ; Fotso Group Holdings, 2,14 % ; et Dawney Holding, 5 %), ne décolèrent pas d’avoir été dépossédés de leurs droits via la mise sous séquestre de leurs actions.

Le 12 décembre, mandaté par les plaignants, le cabinet parisien Jones Day a, dans un courrier adressé à Alamine Ousmane Mey, le ministre des Finances, annoncé son intention de porter cette « spoliation des actionnaires » devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), le tribunal d’arbitrage dépendant de la Banque mondiale. Les avocats, Michael Bühler et Thibaut Kazémi, estiment que cette expropriation doit donner lieu à une compensation, exigence à laquelle Yaoundé ne souhaite visiblement pas se soumettre.

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Séquestre

« Rien ne justifie cette décision, c’est un piège tendu à tous les actionnaires de la CBC », s’offusque Yves Michel Fotso qui, depuis sa cellule du secrétariat d’État à la Défense (où il purge une peine de vingt-cinq ans de prison liée à une autre affaire), a répondu par écrit aux questions de Jeune Afrique.

Dans un courrier adressé au personnel de la banque, il dénonce la gestion de l’administrateur provisoire, Martin Luther Njanga Njoh, ainsi que le comportement d’Alamine Ousmane Mey et de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). « L’administrateur provisoire a manipulé les comptes, en violation des textes de l’Ohada [Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires] et sous le regard passif ou complice des deux commissaires aux comptes », accuse-t-il.

Depuis sa cellule, Yves-Michel Fotso réagit au psychodrame que traverse actuellement la Commercial Bank-Cameroun, dont il est l’actionnaire de référence. Un entretien accordé à Jeune Afrique.

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Jeune Afrique : Avez-vous été informé de la procédure visant à nommer les quatre administrateurs sous séquestre qui vous remplacent aujourd’hui au sein de l’assemblée générale de la Commercial Bank-Cameroun (CBC) ?

Yves-Michel Fotso : Non, bien sûr que non. C’est un piège qui a été tendu à tous les actionnaires de la CBC qui ne se sont pas exécutés à la suite des injonctions formulées par le ministre des Finances au cours de l’audience du mois de juillet 2013, qu’il a accordé à une délégation représentant les 89 % d’actionnaires ayant voté contre le plan de l’administrateur provisoire à l’assemblée générale mixte du 20 mars 2013.

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Le ministre des Finances et l’administrateur provisoire n’ont pas souhaité répondre à nos questions. On sait cependant que c’est sur la suggestion de Martin Luther Njanga Njoh, qui voyait son action entravée par Fotso, qu’Alamine Ousmane Mey a saisi le juge, en septembre, ce qui a abouti à la mise sous séquestre des parts.

De fait, Yves Michel Fotso avait refusé d’approuver les comptes de 2012 (qui dégageaient un bénéfice de plus de 300 millions de F CFA, soit 457 000 euros), tout comme ceux de 2011, criant à leur manipulation : selon lui, des accords de remboursement avec quelques débiteurs, portant sur 23 milliards de F CFA, n’y figuraient pas.

Mais c’est surtout sa propension à remettre en cause les plans de restructuration de l’administrateur provisoire qui explique la crise actuelle. Inversement, les propositions de Fotso lui-même se seraient systématiquement heurtées à une fin de non-recevoir d’Alamine Ousmane Mey et de Martin Luther Njanga Njoh.

Spoliation

En 2009, quand la CBC fut mise sous administration provisoire, l’établissement accusait un déficit en fonds propres de 60 milliards de F CFA. Déjà, à cette époque, Yves Michel Fotso, actionnaire majoritaire, considérait que cette mesure visait à le dépouiller de sa banque. Aujourd’hui, il persiste et signe : « Il n’est pas difficile de comprendre que ma personne est la réelle cible de la spoliation des actionnaires historiques et majoritaires de la CBC », écrit-il à Jeune Afrique.

Reste que sa situation devient de plus en plus ingérable. En mai 2012, le capital de 7 milliards de F CFA de la CDC a été réduit à zéro pour absorber les dettes, une technique appelée « coup d’accordéon » préalable à une recapitalisation. « C’est une violation flagrante des droits des actionnaires par l’administrateur provisoire », juge Yves Michel Fotso, qui se plaint également de la suppression des droits de souscription des actionnaires historiques « au profit, et sans contrepartie, de l’unique État du Cameroun ».

Fotso et associés entravent la recapitalisation

Rebondissement dans le feuilleton de la Commercial Bank-Cameroun (CBC). Au terme de la première séance de souscription en vue de porter le capital à 12 milliards de F CFA, les actionnaires de référence de CBC, constitués en grande partie de Capital Financial Holdings Luxembourg, Fotso Group Holdings et Dawney Holding, n’ont souscrit chacun que pour une seule action de 10 000 F CFA.

Il était pourtant attendu un apport de 2,4 milliards de F Cfa de leur part.

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Du côté du ministère des Finances, on estime que « cette décision s’imposait au regard des pertes à apurer ». Une nouvelle recapitalisation de la banque, à hauteur de 12 milliards de F CFA, est prévue à la fin du mois. L’État prendra 80 % des parts, le reliquat revenant à Fotso et ses associés. L’opération devrait se faire avec l’onction du régulateur et du Fonds monétaire international (FMI).

Un accord entre les parties interviendra-t-il avant le 30 décembre, date retenue pour les souscriptions en vue de la recapitalisation ? [Voir encadré] Pour l’instant, les autorités restent silencieuses. S’il menace de saisir le Cirdi, Yves Michel Fotso, lui, ne ferme pas la porte à une conciliation. « Nous parlons là de la solution ultime, en espérant cependant que le bon sens l’emportera, dit-il. Mes avocats se tiendront naturellement à la disposition du gouvernement camerounais pour rechercher une issue. »

Pendant ce temps, beaucoup d’observateurs sont aux aguets pour racheter une banque qui totalise encore 6 % de part de marché dans les crédits et 4,5 % dans les dépôts (à fin 2012). En octobre 2010, Qatar Islamic Bank avait fait une offre. Qui sera le prochain ?

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