Tunisie : les aventures d’Amina-la-Femen
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Frida Dahmani
Frida Dahmani est correspondante en Tunisie de Jeune Afrique.
Publié le 5 juin 2013 Lecture : 2 minutes.
Amina montre ses seins (en mars), Amina a disparu (juste après), Amina va à Kairouan, fait des graffitis, va en prison (19 mai)… En Tunisie, les aventures d’Amina-la-Femen font toujours la une des médias. La jeune femme est inculpée pour détention de bombe lacrymogène et pour avoir tagué « Femen » sur le mur du cimetière de Kairouan, un acte assimilé à de la dégradation de bien public. D’autres, dont le groupe Zwewla de Gabès, ont commis le même délit sans pour autant devenir des vedettes.
Mais le soutien que le mouvement international Femen a apporté à Amina (le 29 mai, deux Françaises et une Allemande ont manifesté seins nus devant le palais de justice de Tunis pour protester contre son incarcération) a encore plus médiatisé l’affaire. Et vaut désormais à la jeune femme d’être inculpée pour outrages aux bonnes moeurs en bande organisée, ce qui n’avait pas été immédiatement le cas après la diffusion, sur Facebook, de photos où elle dévoilait sa poitrine. Pourquoi un tel intérêt pour cette suffragette de 19 ans, dont le principal exploit a été d’exhiber ses seins pour revendiquer l’égalité hommes-femmes ?
Énigme
Amina Sboui est une énigme. Atypique, avec ses cheveux courts oxygénés et son regard opaque. Le ton monocorde sur lequel elle débite ses arguments de manière mécanique suscite une certaine gêne. Même ses proches divergent à son sujet. Sa mère la qualifie de dépressive chronique. Son père estime que « par ses actes démesurés elle défend ses idées ».
Exaltée ? Est-elle une coquille vide, que l’on aurait instrumentalisée en lui soufflant un discours féministe primaire et sans originalité ? Une militante de la cause des femmes ? Ou juste une exaltée ? Sans doute un peu tout cela, malgré elle. Mais elle est surtout un agent provocateur salutaire, car en quoi ses seins nus sont-ils plus choquants que les propos haineux des extrémistes ?
Exagérations
Amina n’en a pas moins ligué une majorité contre elle : les modernistes la désapprouvent, estimant que ses excès sont contre-productifs et portent atteinte aux Tunisiennes, menacées par la poussée de l’islamisme. Pour eux, la lutte des femmes est un combat citoyen fondé sur des idées, des prises de position et de paroles.
Prétendre que les provocations d’Amina peuvent nuire au statut des Tunisiennes est toutefois très exagéré. Elle n’a pas fait d’émules en Tunisie. Son action n’est qu’un épiphénomène, révélateur du malaise d’une société. On retiendra la surenchère des médias et leur propension à créer de fausses égéries. Car, finalement, peut-on être bien sérieux quand on a 19 ans ?
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