Libye – Niger : Saadi Kadhafi « wanted »
Les récents attentats au Niger ont réveillé une vieille querelle entre Tripoli et Niamey au sujet du fils du « Guide » défunt. Les Libyens veulent le récupérer. Hors de question pour les Nigériens.
En s’attaquant, kalach à la main et ceinture d’explosifs à la taille, à une caserne militaire et à une mine d’uranium dans le nord du Niger, le 23 mai, les jihadistes n’ont pas semé que sang (35 morts) et terreur. Indirectement, ils ont réveillé une querelle qui oppose depuis vingt mois Niamey à Tripoli, et qui a pour nom Saadi Kadhafi.
Accusée par Mahamadou Issoufou, le président nigérien, d’être incapable de freiner l’implantation de groupes islamistes armés dans ses régions méridionales, la Libye a riposté en deux temps, le 27 mai, par la voix d’Ali Zeidan, son Premier ministre. Primo : ce ne sont que balivernes. Secundo : rendez-nous le troisième fils de Mouammar Kadhafi avant de nous donner des leçons. « Nous souhaitons que les individus se trouvant actuellement au Niger, que ce soit Saadi Kadhafi ou Abdallah Mansour [responsable des médias sous le régime du "Guide"], soient remis le plus rapidement possible », a déclaré Ali Zeidan, manifestement irrité.
Sur le tapis
Ce n’est pas la première fois que Tripoli exige l’extradition de Saadi Kadhafi, 40 ans, qui s’était réfugié au Niger en septembre 2011, cinq semaines avant la mort de son père, et y a depuis obtenu l’asile. « C’est un point de blocage récurrent. Dès qu’il y a des tensions entre les deux pays, cette question est remise sur le tapis », note un diplomate en poste à Niamey. La dernière demande remontait à décembre 2012, lors de la venue d’Ali Zeidan dans la capitale nigérienne. Depuis le début, la réponse de Niamey n’a pas varié.
Le Niger se dit prêt à livrer le fils Kadhafi à la Cour pénale internationale – qui ne s’intéresse pas à lui mais à son frère aîné, Seif el-Islam, en attente d’un procès en Libye -, mais refuse de le confier aux Libyens. « Nous remettrons Saadi Kadhafi à un gouvernement doté d’une justice indépendante et impartiale », répètent les autorités.
Plusieurs pays ont proposé d’accueillir celui qui est recherché par Interpol pour avoir notamment commandé « des unités militaires soupçonnées d’avoir participé à la répression » en 2011 : l’Afrique du Sud, le Venezuela, le Zimbabwe, l’Ouganda, Oman (où s’est récemment réfugiée une partie de sa famille)… Mais cela n’a jamais abouti. À la présidence, pourtant, on se passerait bien d’un hôte aussi encombrant. « Nous sommes nombreux à penser qu’il faut s’en débarrasser, même si d’autres estiment qu’on doit le garder », confie un proche d’Issoufou.
A carreau
Saadi Kadhafi, lui, serait d’accord pour partir… pour une destination plus clinquante. On raconte que l’ancien footballeur, plus réputé pour son sens de la fête que pour la qualité de ses passes, s’ennuie ferme à Niamey. « Au début, se souvient un diplomate, on le voyait parfois, le soir, dans les rares boîtes de nuit de la ville. » C’est moins fréquent aujourd’hui : depuis une sortie médiatique frondeuse en février 2012 (il avait bafoué les règles de discrétion qui lui sont imposées en déclarant à une télévision arabe qu’un soulèvement populaire était imminent en Libye), Saadi Kadhafi est soumis à régime très strict.
« Ses mouvements sont limités, il n’est autorisé à sortir de sa résidence que si nous le jugeons nécessaire et il ne reçoit pas qui il veut », explique un officier. La maison que l’État a mise à sa disposition, située au bord du fleuve Niger, dans l’enceinte sécurisée du Conseil de l’Entente, est surveillée en permanence par un escadron de la gendarmerie. Un temps, les autorités lui ont même confisqué téléphones et ordinateurs. « Depuis, il se tient à carreau. Il a compris qu’il valait mieux se taire », s’amuse un proche du président.
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