De Sarkozy à Hollande
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 3 juin 2013 Lecture : 2 minutes.
François Hollande découvre encore l’Afrique, mais il a visiblement pris goût à cette terre si légère où on l’accueille à bras ouverts et où l’on chante ses louanges. C’est humain, me direz-vous : ce décorum n’est pas pour déplaire à un explorateur hors pair des abysses de l’impopularité sur son propre sol, moqué ou dénigré comme aucun président français avant lui, un an à peine après son élection. Voici donc notre Savorgnan de Brazza des temps modernes : libérateur du septentrion malien, chef de guerre récipiendaire du prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix (si, si…), unique chef d’État européen présent à Addis-Abeba pour le cinquantenaire de l’Union africaine, proconsul au Sahel où il dicte sa loi, impose une date pour l’élection présidentielle malienne et « autorise » le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) à interdire Kidal à l’armée nationale, comme si Bamako devait laisser Paris lui expliquer ce qui est bon et ce qui ne l’est pas…
Hollande a beau répéter que le passé est révolu, que la Françafrique est morte et qu’il convient d’instaurer entre son pays et le continent un véritable partenariat « gagnant-gagnant », son comportement et ses maladresses ne sont pas sans rappeler ceux de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy. La forme cassante en moins. Première erreur : perpétuer cette tradition surannée et forcément équivoque des sommets Afrique-France. Malgré de poussifs efforts pour draper de vertu ce rendez-vous d’un autre âge – comme proposer la coprésidence à l’Égypte post-Moubarak de Mohamed Morsi -, personne n’est dupe. La France défend son ex-pré carré et une zone d’influence qui se réduit comme peau de chagrin sous les assauts répétés des Chinois, des Américains, des Brésiliens, des Turcs, des autres Européens, etc. Il se peut que sa préoccupation africaine soit sincère. En annonçant, le 25 mai, à Addis, qu’il organiserait, les 6 et 7 décembre, « un sommet pour la paix et la sécurité en Afrique » à Paris, sans doute pensait-il bien faire et renouveler, à la faveur de cette thématique très à la mode, un exercice qui ne confinait pas vraiment à la rupture annoncée. Las, il s’est pris les pieds dans le tapis.
Les chefs d’État et ministres africains n’ont guère goûté ce qui sonnait à leurs oreilles comme une convocation. Peut-être est-ce la goutte d’eau qui devrait faire déborder le vase de leur susceptibilité, déjà mise à mal par leur incapacité à régler seuls la question malienne. Car, évidemment, tout ceci a été concocté à l’Élysée, sans consultation aucune. Même les principaux intéressés (Mali, Niger, Tchad…) ont appris cette initiative comme le commun des mortels. Une fausse bonne idée, mal préparée et mal vendue, cela ne vous rappelle rien ? C’est exactement de la même manière que Sarkozy avait tué dans l’oeuf son projet d’Union pour la Méditerranée. De Sarkozy à Hollande, certains réflexes pavloviens demeurent. Pendant ce temps, malgré le miroir déformant que représente la crise malienne dans laquelle la France joue un rôle de premier plan, l’Afrique observe avec de plus en plus d’attention les nouveaux horizons qui s’offrent à elle…
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