Maroc : Salaheddine Mezouar au rebond

La possible implosion de la majorité gouvernementale au maroc pourrait, à moyen terme, profiter à l’ex-ministre de l’Économie et des Finances, Salaheddine Mezouar, qui croit dur comme fer à son étoile. Portrait.

Au siège du Rassemblement national des indépendants, le 21 mai, à Rabat. © Hassan Ouazzani pour J.A

Au siège du Rassemblement national des indépendants, le 21 mai, à Rabat. © Hassan Ouazzani pour J.A

Publié le 5 juin 2013 Lecture : 4 minutes.

Le Rassemblement national des indépendants (RNI) prendra-t-il la place de l’Istiqlal si le retrait du parti de la balance de la coalition gouvernementale était confirmé ? « Ce n’est pas à l’ordre du jour, tempère Salaheddine Mezouar, président du RNI. Nous assistons à une implosion de la majorité due à une gestion catastrophique du Parti de la justice et du développement (PJD) et à son incapacité à fixer des priorités et à prendre des décisions. » Et de dénoncer le refus du dialogue avec l’opposition et les syndicats : « Ce gouvernement doit présenter sa démission. Ensuite seulement on pourra envisager d’autres solutions. Mais nous ne sommes pas dans une phase de tractations politiciennes. La prochaine majorité, quelle que soit sa composition, devra avoir une ligne politique claire et un agenda économique et social ambitieux à même de répondre aux attentes de la population. Et toute éventuelle décision d’y participer appartiendrait à notre conseil national. »

S’il n’a pas fermé la porte, l’ex-grand argentier du royaume se pose comme une alternative, non comme une roue de secours. Mais s’engager dans une coalition dirigée par le parti islamiste rendrait le RNI automatiquement comptable du bilan gouvernemental. Une idée qui ne séduit guère Mezouar, tourné aujourd’hui vers une échéance plus lointaine : les législatives de 2017. Son ambition est de faire du RNI la première formation et devenir chef du gouvernement. Un rêve qu’il a caressé durant sa fulgurante ascension politique.

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Étudiant militant

Nourri à la sève du militantisme estudiantin pendant sa scolarité à Tanger, il a fait ses armes dans l’extrême gauche au début des années 1980, avant de tourner le dos à la politique pour diriger une grande entreprise textile et assumer des responsabilités patronales. Ce qui lui vaut un début de notoriété. En 2002, il rejoint le RNI, puis est appelé, deux ans plus tard, dans le gouvernement Jettou pour piloter le ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l’économie. En 2007, quand l’istiqlalien Abbas El Fassi accède au pouvoir, il rempile à l’Économie et aux Finances. À la tête d’un courant réformateur, il prend les rênes du RNI en 2010, écartant au passage son rival Mustapha Mansouri. Entouré d’une pléiade de conseillers, fort du soutien de quelques « amis » du roi, comme Fouad Ali El Himma ou Mounir Majidi, il met sur pied une alliance de huit partis qui se prépare à gouverner.

Tourné vers les législatives de 2017, il a pour ambition de faire du RNI le premier parti du pays.

Le 26 novembre 2011, les législatives sonnent provisoirement le glas de ses ambitions. Il est élu député de Meknès, mais le RNI n’est que troisième derrière l’Istiqlal et le PJD. Le coup est dur à encaisser. « Je ne m’y attendais pas, avoue-t-il. La réforme constitutionnelle a précipité la tenue des élections. Nous n’avons pas eu le temps de les préparer suffisamment. Le Printemps arabe a joué en faveur des islamistes. Les électeurs se sont dit qu’ils étaient peut-être les garants de la stabilité politique et sociale. Une partie de la communauté des affaires a adhéré à cette analyse. »

La défaite est aujourd’hui digérée. Méthodique et travailleur, l’ancien capitaine de la sélection nationale de basket-ball prépare son retour. Réélu à la tête de sa formation en avril 2012, il structure, recrute et décentralise, créant des associations professionnelles, des mouvements de femmes et de jeunes. Un ancrage qui doit permettre de lutter à armes égales avec le PJD et l’Istiqlal. Des antennes du parti sont également installées en Europe et au Canada, là où la diaspora est la plus nombreuse. Tout doit être fin prêt d’ici à quelques mois. La ligne politique reste libérale, mais le parti a toutefois enclenché une dynamique de réflexion sur la régionalisation, la parité, l’emploi des jeunes, l’ouverture démocratique avec la mise en oeuvre progressive de la nouvelle Constitution.

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VRP du royaume

L’emploi du temps de Mezouar est aujourd’hui bien rodé. Le lundi, il se rend au Parlement, puis au siège du parti où il enchaîne les réunions. Il planche sur des dossiers comme la loi de finances, les réformes politiques, la préparation des amendements. À Rabat et à Casablanca, il consulte les autres responsables politiques, la société civile, les opérateurs économiques, et rencontre les médias. Il consacre au moins une journée par semaine à sa circonscription de Meknès, où il veut développer l’emploi et les projets culturels. Et passe le tiers de son temps dans les régions pour conforter l’ancrage de la formation. L’objectif est de passer de 20 000 à 40 000 militants. Il a aussi retrouvé une disponibilité d’écoute et du temps libre pour sa famille et la lecture. Il étudie des analyses sur l’évolution du monde, les enjeux du Moyen-Orient, les conflits liés aux ressources, et n’hésite pas à se replonger dans des ouvrages de base comme Le Prince, de Machiavel, ou L’Art de la guerre, de Sun Tzu. L’ancien athlète entretient aussi sa forme physique.

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Sur la scène extérieure, il continue à jouer les VRP du royaume et entretient son carnet d’adresses international en participant régulièrement à des conférences. À l’intérieur, il n’hésite plus à mettre les pieds dans le plat. « L’exécutif Benkirane est le plus mauvais gouvernement de l’histoire du pays », a-t-il déclaré en mars. À chaque nouveau coup de griffe, la réponse ne se fait pas attendre. Les cadres et journaux proches des islamistes rappellent à l’envi les juteuses primes qu’il s’est et a octroyées durant son passage au ministère de l’Économie.

Son avenir ? Beaucoup ne donnent pas cher de ses chances à court terme. « Son discours parle aux élites mais pas suffisamment aux masses, explique un journaliste marocain. Il est trop économique, pas assez populiste et arabisant pour lutter contre des poids lourds comme Benkirane [PJD], Chabat [Istiqlal] ou Lachgar [Union socialiste des forces populaires]. » Mezouar croit pourtant en son étoile, persuadé que ses compatriotes ne vont pas tarder à déchanter. Volontiers rassembleur, dénonçant les confrontations sournoises entre riches et pauvres du PJD, l’ancien basketteur attend son heure pour rebondir. 

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