Sida et Afrique : épidémie de bêtise
Depuis trente ans, la peur du VIH fait le lit des charlatans et de toutes sortes d’élucubrations, qui émanent parfois de dirigeants irresponsables.
Il y a trente ans, le 20 mai 1983, des chercheurs français, menés par le Pr Luc Montagnier, identifiaient le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), responsable du syndrome d’immunodéficience acquise (sida). Aujourd’hui, la course au vaccin se poursuit. Mais le sida, c’est aussi, en Afrique, trente années d’élucubrations et de pseudo-remèdes prescrits par d’obscurs charlatans comme par des personnalités influentes…
Dès les années 1980, certains mettent en doute la réalité de la maladie, qu’ils rebaptisent « syndrome imaginaire pour décourager les amoureux ». D’autres y voient une punition infligée aux prostituées, aux homosexuels et aux toxicomanes. Jusqu’à ce que les ravages du sida, au cours des années 1990, les poussent à l’attribuer à un complot ourdi par l’industrie pharmaceutique « pour vendre ses remèdes », ou par l’Occident pour « éliminer les Africains ». En 1999, Mouammar Kadhafi accuse cinq infirmières bulgares d’avoir inoculé le virus à 400 enfants de Benghazi dans le cadre d’une conjuration internationale contre la Libye.
Abject
Au début des années 2000, le Sud-Africain Thabo Mbeki, qui dirige l’un des pays les plus touchés par la maladie, conteste l’efficacité des antirétroviraux, « surtout pour les Noirs, dont la constitution et le régime alimentaire diffèrent de ceux des Européens et des Américains ». Sa ministre de la Santé préconise un régime à base d’huile d’olive, d’ail et de citron. Jacob Zuma ne fera pas mieux en vantant les vertus protectrices de la douche. Depuis 2007, Yahya Jammeh, le président gambien, prétend guérir les malades grâce à des plantes et à des prières.
Parmi les prescriptions les plus abjectes : des guérisseurs sud-africains ou zambiens recommandent aux malades d’avoir des relations sexuelles avec des vierges, âgées de quelques mois à 16 ans, favorisant ainsi des viols. Des conseils loufoques, il y en a eu légion : en RD Congo, boire ses urines ou du vin de palme ; au Cameroun, recourir aux rayons de soleil ou absorber du « Viracle », une « molécule » inventée par le « chercheur » Simery Semengue, et dont la consommation entraînerait la destruction du VIH « grâce à une production abondante d’oxygène ». De tout cela, on semble heureusement revenu…
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