La tentation de l’homme
Le mois dernier, un pays du Golfe – dont je tairai le nom par charité musulmane – a expulsé trois hommes natifs d’un émirat voisin au motif qu’ils sont… trop beaux. Trois gars surpris en flagrant délit de joliesse, voyez le danger ! J’avais déjà connaissance de crimes bien insolites, mais celui-là ! Si l’on devait redéfinir la législation selon les critères des princes arabes, il faudrait considérer comme un délit le fait pour un homme de naître avec un physique d’Apollon, traiter les dons juans de kamikazes et ajouter une mention aux formulaires de demandes de visa : « Beaux gosses non admis. »
Bien sûr, notre réaction immédiate à nous, les filles, a été de dire : « Oh, oui ! Envoyez ces chérubins par ici, nous leur offrirons mieux qu’une carte de séjour : la carte du coeur, et plus si affinités. » Avant d’ajouter, à l’adresse des autorités du Golfe : « À l’avenir, vous n’aurez qu’à voiler ces garçons, et l’affaire sera réglée ! En plus, pour un peuple dont la religion proclame "Allah est beau et aime la beauté", vous commettez là un péché. Certains pourraient même vous accuser de pratiquer une sélection raciale à l’envers : en obligeant vos femmes à ne fréquenter que des moches, vous ne rendez pas service à la race arabe. » Car il va de soi que l’affaire concerne davantage les femmes que les hommes. Ces derniers paniquent à l’idée que leur moins-que-moitié cède à la tentation. Ce n’est un secret pour personne que les femmes sont considérées dans cette région du monde comme des objets sexuels et que la gestion de la cité wahhabite tourne autour d’un objectif suprême : le contrôle de la libido féminine.
Mais était-il vraiment utile d’expulser ces beaux étalons ? Comment auraient-ils pu accéder à des femmes-citadelles, interdites de mixité ? Plus que du charme, il leur aurait fallu un passe-montagne. À moins que ces dames, rompues à la ruse, n’aient plus d’un tour dans leur abaya, à l’instar de leur supposée ancêtre Shéhérazade. Ruser n’est pas un destin et Shéhérazade est une ordure. Mais la gent féminine n’a pas d’autre recours dans des pays où nulle liberté ne lui est concédée. Vous pouvez répliquer que les hommes ont donc raison de ne pas faire confiance à un deuxième sexe dont le Prophète lui-même a pointé la « fourberie immense ». Je vous répondrai qu’il n’y a qu’à mettre ces filles à l’essai et à cesser de faire croire à la terre entière qu’elles sont prêtes à se ruer sur le moindre mâle.
Bon, c’est vrai, je veux bien trouver des circonstances atténuantes à ces frères arabes. Je connais des pays européens où certains maires expulseraient volontiers les beaux mecs pour ne pas avoir à les marier officiellement à des partenaires du même sexe. Tiens ! Et si la mesure prise par les autorités du Golfe concernait les hommes entre eux ? Je veux dire qu’il se pourrait que certains gardiens de la vertu, inquiets pour leur propre vertu, ne voient aucun inconvénient à expulser les mignons, de crainte de succomber à leur tour. Dans ce cas, j’avoue, les autorités en question n’ont pas d’autre issue : elles ne vont quand même pas légaliser le mariage pour tous !
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