Niger : les faiseurs de pluie à la manœuvre
Alors que des déluges ont endeuillé le nord du pays – plus de 100 000 sinistrés en juin – , le Niger provoque désormais des précipitations dans des zones touchées par la sécheresse et la crise alimentaire. Des avions « ensemenceurs de nuages » s’activent…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 31 août 2022 Lecture : 2 minutes.
Le Niger, pourtant sujet à des inondations, est l’un des pays au monde le plus soumis à de longues sécheresses qui perturbent le développement des cultures et des pâturages. Cette année, des violences jihadistes ayant, par ailleurs, empêché nombre de paysans de cultiver leurs champs, environ 20 % de la population nigérienne – plus de 4,4 millions de personnes – sont en insécurité alimentaire jugée « sévère ». Au niveau des enfants, le seuil d’urgence de malnutrition aiguë de 10 % fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pourrait être dépassé largement…
Démiurges à la place de Dieu
À cette pluviométrie annuelle traditionnellement insuffisante, quelques-uns ont une explication qu’ils jugent imparable : les jeunes filles portent des jupes si courtes qu’elles indignent le Tout-Puissant. Outré, ce dernier fermerait les vannes du ciel en guise de pénitence. Aridité liée au changement climatique ou bouderie divine ? Les plus volontaristes des décideurs tentent d’être démiurge à la place de Dieu…
Alors comment être démiurge à la place de Dieu ? Si la tradition mystique sahélienne prétend savoir « attacher la pluie », c’est une technologie bien connue qui est utilisée pour la « détacher ». Depuis des années, des pays de la région évoquent et réalisent, par intermittence, des programmes communément qualifiés d’« ensemencement », voire de « bombardement » des cumulus. Les pluies sont provoquées par l’introduction dans les nuages, à l’aide d’un avion, de produits chimiques : un mélange d’argent, de sodium et d’acétone. Et c’est ce jeudi 25 août que les services de la météorologie nigérienne ont annoncé avoir commencé la procédure, il y a quelques semaines. Une opération qui devrait s’achever fin septembre. À la fin de la saison des pluies, il n’y a plus assez de nuages ventrus dans lesquels il convient de déverser le contenu…
Si la technique de provocation des pluies est, certes, bien enthousiasmante dans la perspective de crise alimentaire, elle ne saurait remplacer une réflexion de fond sur le réchauffement climatique, réflexion que peut porter une Afrique qui souhaite toujours être représentée, de façon permanente, au Conseil de sécurité des Nations unies. Une Afrique dont l’agriculture n’émet que 10 % des gaz à effet de serre mondiaux du secteur agricole, alors qu’elle est particulièrement confrontée à la chaleur.
Une autre réserve à cet « ensemencement des nuages » brûle les lèvres : ne fait-on pas artificiellement tomber, sur le Niger, une pluie qui se serait naturellement déversée sur un pays voisin ? Comme la guerre de l’eau couve sur le Nil bleu, entre l’Égypte, l’Éthiopie et le Soudan, un pays comme le Mali ne va-t-il pas accuser le Niger d’être un voleur de pluie ?
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