Japon – Afrique : une diplomatie entre deux mondes

La 5e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad V) se tient du 1er au 3 juin à Yokohama. L’occasion de rappeler les grandes lignes de la politique étrangère du Japon, qui « s’africanise » de plus en plus.

Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe. © AFP

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Publié le 29 mai 2013 Lecture : 3 minutes.

Ticad V : quand le Japon accueille l’Afrique
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Ticad V : quand le Japon accueille l’Afrique

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Fin novembre 2002, un rapport intitulé « Fondements pour une stratégie diplomatique du Japon au XXIe siècle » est remis à Jun’ichiro Koizumi, Premier ministre de l’époque. « Pour conduire une diplomatie, une nation a besoin de formuler une stratégie claire. Force est de reconnaître que le Japon ne dispose pas d’une telle stratégie. La plupart du temps, il se contente de mesurettes », peut-on y lire en guise d’introduction. Il faut dire que le pays du Soleil-Levant n’a jamais vraiment eu à se préoccuper de sa politique étrangère puisque, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle est calquée sur celle des États-Unis. L’archipel est « le porte-avions insubmersible » de l’Amérique, avait même affirmé en 1982 Yasuhiro Nakasone, alors Premier ministre, à l’apogée de la confrontation Est-Ouest.

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Dès lors, la fin de la guerre froide et l’éclatement de l’Union soviétique sont synonymes pour Tokyo d’une forte déconvenue, ces deux événements s’accompagnant d’un désengagement des États-Unis en Asie. À peu près à la même époque, l’éclatement de la bulle qui lui avait permis de dominer l’économie mondiale au cours de la décennie précédente plonge le pays dans la crise. La remise en question est brutale et, dans les milieux politiques, on est pour le moins déboussolé. Certains, comme Ichiro Ozawa, l’un des politiciens les plus influents, souhaitent que le Japon devienne « un pays comme les autres » (futsu no kuni) et s’affranchisse de l’influence américaine.

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C’est la mode du Nyua datsubei (« revenir en Asie, abandonner l’Amérique »). Mais très vite, les limites de cette politique sont atteintes face à Pékin, dont la montée en puissance sur le plan économique se traduit également par une volonté de retrouver son influence sur l’ensemble de l’Asie, de Jakarta à Séoul. La Chine « constitue le point crucial des relations extérieures du Japon en ce début du XXIe siècle », est-il écrit dans le rapport de novembre 2002. Dix ans plus tard, Tokyo n’a toujours pas réussi à établir des relations normales avec son voisin chinois et à prendre totalement ses distances vis-à-vis de Washington. Seule initiative d’envergure, la mise en place de la première Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad) en 1993, mais dont la portée se situe bien loin de sa sphère d’influence naturelle.

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« Je voudrais juste faire remarquer que les investissements directs en Afrique ont dépassé en 2007 les sommes fournies au titre de l’aide publique au développement. Ce changement traduit le fait que l’on croit désormais davantage dans les chances du continent et dans ses opportunités économiques », confie Makoto Ito, ambassadeur pour la 5e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad V), qui se tiendra du 1er au 3 juin à Yokohama. « Néanmoins, l’instabilité politique et la violence auxquelles le continent est encore confronté doivent être traitées pour qu’il parvienne à profiter de tous ses atouts », ajoute-t-il. En deux phrases, le diplomate japonais résume les deux points sur lesquels les participants plancheront (en 2008, ils étaient plus de 3 000, dont 41 chefs d’État et de gouvernement du continent).

Sur le plan économique, le Japon entend mettre l’accent sur la nécessité pour les pays africains de prendre davantage en main leur développement. Il s’agit de confirmer les efforts entrepris depuis la Ticad IV, en 2008. Les engagements alors pris par le Japon ont été atteints, voire dépassés. Les tragiques événements sur le site gazier algérien d’In Amenas au cours desquels dix Japonais ont trouvé la mort ont modifié en partie l’ordre du jour, en plaçant parmi les sujets prioritaires la question de la stabilité et de la sécurité. Sans garantie en la matière, il sera bien difficile pour les Japonais de s’engager davantage. Début 2013, dans une étude réalisée par l’Organisation japonaise du commerce extérieur (Jetro), 88 % des entreprises nippones implantées en Afrique exprimaient leur inquiétude à cet égard.

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