Diversité culturelle : continuons le combat !

Publié le 23 mai 2013 Lecture : 3 minutes.

C’est au terme d’une longue bataille politique et diplomatique que, le 20 octobre 2005, fut adoptée à l’Unesco la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Cette date est considérée par beaucoup comme un tournant dans la mondialisation culturelle. Enfin, la culture échappait aux lois du marché ! Enfin, les États pouvaient, en toute légitimité, soutenir leurs créateurs ! Enfin, les expressions culturelles les plus fragiles allaient être sauvées ! En dépit de fortes pressions, la communauté internationale fit preuve de courage et trancha. Ceux qui étaient présents ce jour-là se souviennent d’un grand moment de joie, d’émotion, mais surtout d’espoir que ce texte puisse constituer une réponse forte aux dangers d’une mondialisation non maîtrisée susceptible de provoquer une uniformisation de la culture – et de la pensée. De plus, si chacun s’accorde à établir un lien entre diversité culturelle et développement économique, le fait de promouvoir la diversité par une convention permettant de soutenir les industries culturelles du Sud constituait aussi le choix d’une autre forme de lutte contre la pauvreté.

Certes, à elle seule, la convention ne peut suffire. D’autres dangers menacent, notamment, ou principalement, la tentation des États de céder au chantage classique « agriculture contre culture » et de conclure des accords bilatéraux incluant des dispositions en matière de culture contournant la convention. C’est un tel « accord de libre-échange » incluant la culture que l’Union européenne envisage de conclure avec les États-Unis, ce qui porterait un coup fatal au concept d’exception culturelle, qui, jusqu’à présent, assurait à ses productions audiovisuelles une protection minimale.

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Si la convention permet aux États de soutenir leurs diversités, encore faut-il qu’ils disposent d’un minimum de moyens pour aider leurs créateurs et développer leurs entreprises culturelles. En 2005, cette situation n’avait pas échappé aux « militants » de la convention, raison pour laquelle celle-ci avait prévu la création d’un Fonds international pour la diversité culturelle alimenté par des contributions volontaires. Ce fonds a été mis en place, il fonctionne et subventionne des projets. Alors, tout va bien ?

"Soutenir les industries culturelles du Sudn c’est lutter contre la pauvreté"

Nous parlons bien ici des besoins de 132 pays en développement, de la sauvegarde de 6 000 ­langues en danger, de milliers de cultures et de traditions, bref, de la préservation de la diversité à l’échelle mondiale. Pour relever l’ensemble de ces défis, le fonds dispose aujourd’hui de 4,5 millions d’euros. En trois ans, il a permis de soutenir 61 projets dans 40 pays. À titre de comparaison, le Fonds pour l’environnement mondial dispose pour la période 2011-2014 de 3,3 milliards d’euros.

Contrairement à certaines rumeurs, la convention n’avait pas pour unique objectif de résister à l’offensive nord-américaine, mais entendait mettre en place une forme de « démocratie culturelle » à l’échelle mondiale. Refusant la hiérarchie des cultures, elle se proposait de donner une chance à chacune.

Mais si des moyens considérables ne sont pas rapidement dégagés pour aider les États qui en ont un urgent besoin – tous sont situés dans le Sud -, seuls les pays les plus riches toucheront les fruits du combat engagé.

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La bataille pour la diversité culturelle engagée à Cotonou, le 15 juin 2001, par la conférence des ministres francophones de la Culture a permis, cinq ans durant, la tenue d’un formidable débat sur les cultures, les langues, la diversité et les dangers de la mondialisation. Mais, rappelons-le, l’adoption de la convention et la mise sur pied d’un fonds aux moyens trop limités ne suffisent pas à faire face aux enjeux. On peut craindre notamment que l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), si dangereux pour la culture et l’éducation, ne soit relancé par le nouveau directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). S’il est nécessaire de s’opposer à l’inclusion de la culture dans les accords de libre-échange, il ne l’est pas moins de promouvoir une forte mobilisation pour aider ces États qui, en sauvant l’histoire et la richesse culturelle de leurs peuples, contribuent, eux qui sont si pauvres, à enrichir l’humanité.

* Administrateur général honoraire de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie

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