50 ans de l’UA : souvenirs d’un ancien combattant de l’unité africaine

L’ancien Premier ministre togolais, Edem Kodjo, a été secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) de 1978 à 1983.

Publié le 25 mai 2013 Lecture : 4 minutes.

Union africaine, qu’as-tu fait de tes 50 ans ?
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Union africaine, qu’as-tu fait de tes 50 ans ?

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Union africaine. Unité africaine. Cela représente beaucoup de choses. C’est cette volonté tirée du panafricanisme, né loin du continent mais qui est devenu une idéologie exaltante pour la construction d’une Afrique unie, la libération de l’être africain dans toutes ses dimensions. Vue ainsi, l’unité africaine est une vraie mystique que nous avons appliquée avant d’avoir, par la suite, la chance de l’incarner. Elle n’est toujours pas construite. J’ai le sentiment, quand j’observe tout ce qui se fait aujourd’hui, qu’on tricote autour, qu’on ne va pas directement au coeur du sujet. C’est à se demander combien de siècles il faudra au continent africain pour qu’il s’affirme de manière plus unitaire. On en est encore loin, et cela me désespère parfois.

L’unité africaine, c’est, pour moi, des souvenirs palpitants. Je sais que je n’aurai plus jamais les mêmes émotions. Quand on a le sentiment de servir le continent africain et qu’on a été, comme moi, élevé dans une sorte de culte de l’Afrique, qui représente à mes yeux presque une personne physique, presque une mère, quand on vous met au sommet pour vous en occuper, c’est avec beaucoup de détermination que vous passez à l’action. En 1979, déjà, nous nous sommes battus pour que le continent se dote d’une Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. C’est l’une de mes plus grandes satisfactions. Il y a eu le grand souffle du Plan d’action de Lagos sur les communautés économiques régionales. Ce texte, qui a été adopté dans l’allégresse en 1980, détermine une conception de l’économie africaine selon laquelle l’Afrique doit essayer de produire ce qu’elle consomme, consommer ce qu’elle produit, cesser de consommer ce qu’elle ne produit pas et de produire ce qu’elle ne consomme pas. Ce texte fondamental est, jusqu’à ce jour, une référence. Mais cette bonne vision, qui ne demandait qu’à être amplifiée, a été contrée par la Banque mondiale. 

Ce n’est pas moi qui ai reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD). J’étais simplement le comptable.

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La crise du Sahara occidental a été un moment difficile pour moi. Pourtant, ce qui paraissait évident pour tout le monde ne l’était plus. À partir du moment où le nombre d’États requis pour l’admission d’une entité comme État membre est largement dépassé – il y avait 40 voix pour et 12 contre -, les choses étaient claires. Ce n’est pas moi qui ai reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD). J’étais simplement le comptable en chef et j’en ai tiré des conclusions. Deux ans plus tard, tous les chefs d’État ont approuvé cette admission. Cette affaire date de février 1982. Nous sommes en 2013, et rien n’a évolué. 

Confrontée à de nombreux problèmes, l’Union africaine est souvent obligée de se tourner vers l’extérieur pour chercher des solutions. Est-ce encore normal cinquante ans après sa création ? Non. Prenons le cas le plus récent, celui du Mali. On recherchait peut-être une dizaine de milliers de soldats, bien entraînés. Nous n’avons pas été capables de les trouver. Il a fallu qu’un État non africain vienne résoudre le problème à notre place. Heureusement qu’il y a eu les Tchadiens pour laver notre honte. Cet épisode montre bien les limites de la construction de l’unité africaine et de l’Union africaine. Je suis de ceux qui estiment qu’il y a des progrès à faire. Pourquoi ne pas instaurer un fédéralisme régional et avoir, ainsi, des entités qui tiennent debout ? Je sais que ce ne sera pas facile. Mais on ne demande pas aux États actuels de disparaître. Une fédération comporte un État fédéral et des États fédérés, avec des gouvernements.

Cela dit, l’organisation continentale ne doit pas être perçue uniquement de manière négative, comme c’est souvent le cas. Elle a réalisé beaucoup de choses, notamment en ce qui concerne la libération des peuples qui étaient encore colonisés, la paix et la sécurité, la démocratie, la gouvernance, les élections. Tout cela est positif. Ce qui est négatif, c’est la permanence de certains principes comme, par exemple, le fameux principe d’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Conséquence : nous avons une souveraineté juxtaposée qui ne facilite pas l’action.

Nous autres intellectuels, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et la bouche fermée face à ce qui se passe. Nous répétons, au fil des années, que les choses ne marchent pas, mais nous ne bougeons toujours pas ! Cela va-t-il durer cent ans ? Je voudrais qu’on me dise si mes arrière-petits-enfants trouveront une Afrique respectable, une Afrique digne, une Afrique solide qui puisse avoir son mot à dire sur le plan international. Nous ne sommes pas seuls au monde. 

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Propos recueillis par Tshitenge Lubabu M.K.

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