Union africaine, qu’as-tu fait de tes 50 ans ?

Tirant les leçons de ses échecs passés, l’Union africaine (UA) semble désormais miser sur le développement économique pour favoriser la cohésion du continent.

Le nouveau siège de l’UA, inauguré en janvier 2012. © AFP

Le nouveau siège de l’UA, inauguré en janvier 2012. © AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 24 mai 2013 Lecture : 6 minutes.

Union africaine, qu’as-tu fait de tes 50 ans ?
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Union africaine, qu’as-tu fait de tes 50 ans ?

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Le 30 janvier 2011 est un jour à oublier dans l’histoire du continent. Ce dimanche-là, l’Union africaine (UA) ouvre son seizième sommet à Addis-Abeba. Deux semaines plus tôt, le peuple tunisien s’est libéré du joug de Ben Ali. Mais ce jour-là, personne ne monte à la tribune pour saluer les enfants de Sidi Bouzid et de Tunis. L’Égypte fait sa révolution en direct, mais tout le monde se tait. Le Printemps arabe ? Circulez, il n’y a rien à voir ! Dans les couloirs du sommet, la délégation de Tunis, conduite par Radhouane Nouicer, est même obligée de répéter sur tous les tons que la « révolution du jasmin » ne présente aucune menace pour les pays voisins.

La cacophonie de l’UA sur la Libye ? « C’est le résultat de ce silence assourdissant sur la Tunisie », affirme le Sénégalais Pape Ibrahima Kane, d’Open Society, la fondation créée par l’Américain George Soros et basée à Nairobi. « Officiellement, l’Union africaine est portée par les peuples, explique-t-il. Mais, cinquante ans après sa naissance, je suis désolé de dire que les peuples n’ont rien à voir avec tout cela. Quand la révolution a éclaté en Libye, beaucoup de chefs d’État africains ont mis la tête dans le sable. Après, ils se sont étonnés que l’Otan vienne s’occuper des problèmes à leur place. Mais la nature a horreur du vide ! »

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Objectif 2063

L’Union africaine totalement déconnectée de sa base ? Le réquisitoire est sévère. Et la réforme de la grande maison d’Addis-Abeba, en 1999-2002, n’a pas été si vaine, loin de là. L’un des effets de cette mue, c’est l’accent mis sur le développement économique. On ne le sait pas beaucoup, mais tous les six mois, à la veille de chaque sommet, plusieurs chefs d’État et de gouvernement africains (Afrique du Sud, Algérie, Égypte, Éthiopie, Nigeria, Sénégal, etc.) se réunissent pour écouter le rapport d’Ibrahim Hassane Mayaki, ex-Premier ministre nigérien, sur les dernières avancées du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), basé à Midrand, en Afrique du Sud. L’électricité, les routes… Jacob Zuma, Goodluck Jonathan, Macky Sall et les autres passent tout au crible, région par région, pour suivre les efforts de désenclavement.

"À l’échelle du continent, l’intégration reste un voeu pieux."

« Nous sommes 1 milliard d’Africains, mais, en 2011, seuls 16 millions d’entre nous ont voyagé d’un pays du continent à un autre, regrette Pape Ibrahima Kane. Tant que le visa coûtera 50 000 F CFA [76 euros] et que la libre circulation des personnes sera entravée, il n’y aura pas de marché commun de l’Afrique. Heureusement, la Cedeao [la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] et surtout la Communauté de l’Afrique de l’Est montrent la voie. » Aujourd’hui, grâce à un système de compensations entre États, un transporteur du port de Mombasa qui livre des marchandises à Kigali règle toutes ses taxes douanières au point de départ et ne paie plus rien en route. Cela dit, à l’échelle du continent, l’intégration reste un voeu pieux. Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l’UA, a raison de se fixer comme objectif… l’an 2063 ! 

"Casques blancs"

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Autre effet de la grande mutation entre l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et l’UA : les conflits sont mieux gérés. Fini les querelles de légitimité. Depuis la décision d’Alger de juillet 1999 condamnant les changements anticonstitutionnels de gouvernement, les candidats putschistes savent que leur entreprise est semée d’embûches. Avec le Conseil de paix et de sécurité (CPS), mis en place en 2004, l’UA s’est dotée d’un instrument capable d’ouvrir un dialogue ou d’envoyer une mission de paix dans un pays en conflit. Au Darfour, les « casques blancs » ont réussi, avec l’aide de l’ONU, à séparer les belligérants. En Somalie, les armées ougandaise et burundaise ont payé le prix du sang pour contenir avec succès la menace jihadiste. Dans l’est de la RD Congo, un premier contingent de soldats tanzaniens vient de débarquer à Goma. Au CPS, la rotation entre États est la règle, mais le commissaire à la paix et à la sécurité, lui, ne bouge pas. Depuis 2004, le poste est occupé par un diplomate algérien – en l’occurrence, aujourd’hui, le chevronné Ramtane Lamamra. Pour Alger, le bénéfice politique n’est pas mince.

En dépit de ces efforts, il faut bien dire que, dix-neuf ans après le drame rwandais, l’Afrique n’est toujours pas en mesure de régler elle-même ses conflits les plus graves. Lors du sommet de janvier 2013 à Addis-Abeba, le président en exercice de l’Union, le Béninois Boni Yayi, et beaucoup de ses pairs ont vivement remercié la France pour son intervention militaire dans le Nord-Mali. À l’exception notable du Tchad, aucun pays africain n’a été en mesure de déployer des unités offensives face aux jihadistes. En juillet, c’est l’ONU qui doit prendre la relève. Et l’Union africaine ? « Franchement, jusqu’à présent, elle n’a pas beaucoup brillé dans la crise malienne, lâche une figure politique de Bamako. Au point qu’on se demande si elle a tiré les leçons de son échec en Libye. »

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« Une partie de la résolution 2100 du Conseil de sécurité retire certaines attributions de l’UA et les transfère à l’ONU seule. Il y a certaines questions que nous aurions examinées différemment », lâche l’ex-ministre sud-africaine des Affaires étrangères avec amertume. De son propre aveu, la Force africaine en attente (FAA), que l’UA doit lancer en 2015, rencontre encore beaucoup de « problèmes ». Pronostic du Camerounais Paul-Simon Handy, directeur de recherches à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria : « Dans les dix prochaines années, l’Afrique aura encore besoin de ses partenaires occidentaux. » 

 "États-Unis d’Afrique"

« Ce qui manque le plus à l’UA, c’est un leader », disent beaucoup de familiers du Centre de conférences d’Addis-Abeba. « Malgré tous ses défauts, Kadhafi avait réussi à donner l’impulsion aux changements institutionnels, remarque Paul-Simon Handy. Il n’obtenait jamais ce qu’il voulait, mais il faisait bouger les autres. Regardez la FAA : le jour où Kadhafi a proposé à ses pairs de créer une armée africaine, tout le monde a pris peur et, tout de suite, plusieurs chefs d’État ont lancé l’idée de cette force pour contrer son projet. » Évidemment, beaucoup regrettent le temps où Kwame Nkrumah, le panafricaniste, enflammait ses auditoires avec le projet des « États-Unis d’Afrique ». « Mais les temps ont changé, poursuit Paul-Simon Handy. Au temps du colonialisme et de l’apartheid, il était possible de faire l’unité de l’Afrique contre ces deux ennemis extérieurs. Aujourd’hui, l’ennemi commun est à l’intérieur de l’UA. C’est la pauvreté. »

De 2003 à 2008, le premier président de la Commission de l’UA, l’ancien président malien Alpha Oumar Konaré, a su donner un élan à la nouvelle organisation continentale. Sans pour autant parvenir à imposer ses vues. En 2005, par exemple, lors de la bataille pour la succession de Gnassingbé Eyadéma, au Togo, il s’est opposé à la solution dynastique défendue par le Nigérian Olusegun Obasanjo et le Gabonais Omar Bongo Ondimba. Écoeuré, fatigué, Konaré est parti sans solliciter un second mandat, et les chefs d’État se sont empressés de nommer à sa place un ex-ministre des Affaires étrangères, le Gabonais Jean Ping, qui ne pouvait nécessairement plus leur parler d’égal à égal. Aujourd’hui, Nkosazana Dlamini-Zuma est confrontée au même défi.

Que peut la présidente de la Commission face au syndicat des chefs d’État ? Si ceux-ci l’empêchent d’exister, il reste une dernière chance aux panafricanistes : une entente entre les quatre ou cinq poids lourds du continent. Une sorte de G4 ou de G5. « Pour réaliser le rêve de Nkrumah, il faut des valeurs et des hommes qui portent ces valeurs, confie à Jeune Afrique le président nigérien, Mahamadou Issoufou. Comme dans une centrale nucléaire, il faut une masse critique afin de provoquer une réaction en chaîne. »

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Par Christophe Boisbouvier

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