Tchad : brochette de tortionnaires sur le gril

Au Tchad, une vague d’arrestations frappe d’anciens cadres de la Direction de la documentation et de la sécurité, qui fut l’instrument de répression du régime de Hissène Habré.

Le dictateur, en 1987, trois ans avant sa chute. © AFP

Le dictateur, en 1987, trois ans avant sa chute. © AFP

Publié le 24 mai 2013 Lecture : 2 minutes.

En se battant depuis des années pour que Hissène Habré soit jugé par une juridiction internationale, les défenseurs des victimes de son régime avaient un objectif secret : que cela incite les autorités tchadiennes, longtemps réticentes, à poursuivre les tortionnaires restés au pays après la chute du dictateur en 1990 et qui, bien souvent, ont continué à occuper des postes à responsabilité dans la police ou l’Administration.

Ce pari est en passe d’être gagné : alors que plus rien ne s’oppose à un procès de Habré au Sénégal, la justice tchadienne a exhumé des plaintes déposées en 2000 par plusieurs victimes, ciblant des dizaines de cadres de la terrible Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), l’instrument de répression du régime Habré. « Nous avons décidé de marquer le coup, indique Jean-Bernard Padaré, le ministre de la Justice. Il n’y avait pas de raison qu’à Dakar la procédure avance et qu’ici rien ne se passe. Ces gens doivent eux aussi être jugés. »

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Sadisme

Ouverte en 2001, l’instruction traînait en longueur. Ce 14 mai, surprise : on a appris l’arrestation de Mahamat Djibrine, alias El Djonto, qui occupa plusieurs fonctions éminentes au sein de la DDS. Bien que confondu par de nombreux témoins et classé, dès 1992, parmi « les tortionnaires les plus redoutés [pour] leur cruauté, leur sadisme et leur inhumanité » par une commission d’enquête nationale, Djibrine n’avait jamais été inquiété. Jusqu’à récemment, il travaillait encore au sein de la police. Mais, il y a quelques semaines, le vent a tourné : avec une douzaine d’autres anciens tortionnaires présumés, il a été subitement mis à l’écart.

« Cerveaux ». Son arrestation n’était qu’une mise en bouche. Deux jours plus tard, une vingtaine d’anciens membres de la DDS ont été convoqués par le juge, et huit d’entre eux placés sous mandat de dépôt. Le même jour, le Tchad a émis des mandats d’arrêt à l’encontre de cinq figures en exil du régime Habré. Trois d’entre elles ont joué un rôle crucial à la DDS : Guihini Koreï, un neveu du dictateur déchu, qui se trouverait entre le Togo et le Bénin, en fut le directeur (il a notamment été au coeur de la répression contre les Zaghawas en 1989) ; Bandoum Bandjim, qui vit en France, était à la tête du service chargé d’exploiter les informations (voir son interview dans J.A. no 2729-2730) ; Abakar Torbo, que les autorités situent « quelque part en Afrique de l’Ouest », dirigea le service qui décidait du sort des détenus.

Les deux autres personnes recherchées n’ont pas officié à la DDS. Mahamat Nouri, qui se trouve en France, était l’un des « cerveaux » du régime. Après avoir rallié le président Idriss Déby Itno en 1990, il avait rejoint la rébellion et mené l’offensive sur N’Djamena en 2008. Quant à Bichara Idriss Haggar, un opposant exilé au Canada, il est seulement connu pour avoir dirigé l’École nationale d’administration et de magistrature de 1984 à 1989.

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Selon une source judiciaire, d’autres arrestations suivront. Objectif : qu’un procès ait lieu à N’Djamena avant celui de Dakar. 

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