Au pays… sans y être
C’est bientôt les vacances et les Marocains de Belgique et des Pays-Bas se posent tous la même question : y aller ou pas ? « Y », dans cette phrase, désigne bien sûr le pays natal, le Maroc. Pour ce qui est de la première génération, la question ne se pose pas, ou à peine. Cela fait des décennies que le rite est scrupuleusement respecté. L’été, on s’entasse dans la vieille voiture et vogue la galère en direction du sud ! L’âge venu, certains se sont résignés à prendre l’avion, c’est quand même moins fatigant…
En fait, cette question se pose surtout pour la deuxième génération. Après tout, ils ont grandi en Europe et ils voient leurs camarades de classe, leurs collègues, leurs amis, choisir chaque année une destination exotique – et chaque année, une destination différente. Et ils reviennent fin août avec des photos de Bornéo où sont les anthropophages, du Brésil où sont les fessiers, du Kamtchatka où sont les Kamtchatkais, de l’Inde innombrable et de la Chine infinie. À côté d’eux, Abdelmoula exhibe depuis dix ans les mêmes clichés un peu flous de son village du Rif ou de la Chaouïa, ça commence à faire plouc. « T’as vu, ça c’est moi tombant hilare des chutes du Niagara », lui assène son collègue. « Et ça, c’est moi regardant une chèvre dans un arbre, à Agadir », répond Abdelmoula, maussade. Y a pas photo – ou plutôt il y en a deux… bref, vous me comprenez.
D’un autre côté, si Abdelmoula va courir la gueuse en Finlande pendant ses vacances, ses vieux parents l’ont mauvaise : fils indigne, tu renies ta famille, ta tante H’nia va bientôt mourir sans t’avoir revu, tu deviens plus belge que les Belges, etc. Que faire ?
C’est là qu’une certaine Naïma d’Utrecht a eu une idée géniale. Elle propose des voyages-ricochets, si l’on ose dire. Voilà comment ça se passe : Naïma vend des billets du genre Bruxelles-Nador-Casablanca-Rio-Casablanca-Nador-Bruxelles. (Ouf !) Vous avez remarqué que Rio s’était glissé dans cette liste ? C’est là toute l’astuce. Abdelmoula se rend donc à Nador voir la tante H’nia et le reste de la famille, s’exhibe sur le boulevard, distribue quelques cadeaux – puis il s’éclipse discrètement deux jours plus tard, file à Casa, saute dans un avion et à nous Rio où sont les Cariocas ! Deux semaines plus tard, il revient gavé de samba, rassasié de daïquiris, et reprend sa promenade sur le boulevard à Nador comme si de rien n’était. À la fin des vacances, il reprend l’avion et revient au plat pays comme l’immigré de base. Mais lui, il a vu Rio oh oh.
Je conseille d’ailleurs à la Royal Air Maroc de s’inspirer de Naïma et de monter ses propres voyages-ricochets. L’ambition de la RAM n’est-elle pas de faire de Casablanca un hub planétaire ? Si, ce faisant, elle contribuait aussi au bonheur de nous autres émigrés partagés entre le devoir et le plaisir, ce serait tout bénef…
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