Tuerie de Hombori au Mali : les conclusions de l’enquête de la Minusma
Une opération de soldats maliens accompagnés de « personnel militaire étranger » a fait au moins 50 morts civils en avril, indique la Minusma dans ce qui s’apparente à une nouvelle mise en cause des Forces armées maliennes, désormais alliées aux Russes.
Il s’agit d’une des plus graves mises en cause des forces de sécurité maliennes dans leurs opérations contre les djihadistes. La Minusma, conformément au mandat conféré par le Conseil de sécurité de l’ONU, a publié mercredi sa note trimestrielle sur les violations des droits humains entre avril et juin dans le pays. Elle a recensé « 467 cas de violations et atteintes aux droits de l’homme et au droit international » qui se sont soldées par 317 civils tués, 73 personnes enlevées ou disparues et 77 blessés, indique-t-elle.
Des chiffres qui montrent une baisse de l’ordre de 42% de ce type de faits par rapport au trimestre précédent, lors duquel 812 cas de violations des droits de l’hommes avaient été recensés, et 543 victimes civiles comptabilisées. « Les principaux auteurs des actes de violence contre les civils ont été les groupes tels que le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) », précise la Minusma.
Opération de ratissage
Dans son dernier rapport, la Minusma s’est en outre longuement penché sur des évènements peu documentés survenus le 19 avril à Hombori, dans le centre du Mali, et sur leurs prolongements, qui touchent aux relations dégradées entre Bamako et l’ancien allié français.
Ce jour-là, les soldats maliens, accompagnés « de personnel militaire étranger, ont conduit une opération militaire de ratissage dans la localité au cours de laquelle au moins 50 civils (parmi lesquels une femme et un enfant) ont été tués et plus de 500 autres arrêtés », écrit la Minusma. L’opération faisait suite à l’explosion d’un engin explosif improvisé au passage d’un convoi militaire. La Minusma ne fournit aucune précision sur les combattants étrangers en question. Différentes sources avaient à l’époque affirmé qu’un « Russe » déployé en opération avec les soldats maliens avait été tué dans l’explosion.
Le 22 avril , l’armée malienne avait publiquement indiqué avoir mené un « ratissage d’envergure » dans la zone de Hombori après avoir été attaquée le 19. Elle avait affirmé avoir tué 18 « assaillants » et interpellé 611 personnes. La grande majorité d’entre eux a été libérée. Mais parmi les quelques dizaines d’hommes retenus, deux sont morts sous la torture, selon la Minusma. Le 24 avril, un militaire « aurait tué sommairement » 20 autres prisonniers au camp de l’armée malienne à Hombori, ajoute-t-elle.
Charnier de Gossi
Les évènements de Hombori se prolongent dans une sombre affaire de cadavres illustrant l’immense défiance existant désormais entre les autorités du Mali et celles de la France. Le document de la Minusma livre sur ce point une version favorable à Paris. Dans son désengagement progressif, la France a quitté et rendu aux autorités maliennes, le 19 avril, la base de Gossi, située à plusieurs dizaines de kilomètres au nord-est de Hombori.
Le 21 avril a circulé une vidéo prise à l’aide d’un drone et montrant, selon l’armée française, des mercenaires russes en train d’enterrer des corps près de la base de Gossi. Le but aurait été d’accuser les Français de laisser un charnier derrière eux. Les autorités maliennes ont accusé en retour les Français d’avoir fabriqué ces images montées « de toutes pièces afin d’accuser (les soldats maliens) d’être les auteurs de tueries de civils ».
La Minusma dit avoir ouvert son enquête. Selon elle, les dépouilles ensevelies à Gossi ont été transportées sur place le 20 avril, soit le lendemain de la remise du camp aux Maliens, et « provenaient de Hombori ». Aucune réaction n’a été obtenue des autorités maliennes.
Ce rapport vient s’ajouter à d’autres publiés par l’ONU ou par des experts indépendants missionnés par l’ONU faisant état d’exactions de l’armée malienne lors d’opérations menées avec ses supplétifs « étrangers ». La localité de Moura, dans le centre également, a été le théâtre fin mars de ce que Human Rights Watch décrit comme le massacre de 300 civils par des soldats maliens associés à des combattants étrangers, peut-être russes. L’armée malienne dément et revendique l’élimination de plus de 200 djihadistes.
Au total, les opérations des forces maliennes ont causé la mort de 96 civils au 2e trimestre, sur un total de 317 dont 200 imputables aux groupes djihadistes, dit la Minusma. La part de responsabilité des Forces armées maliennes (Fama) est en « baisse significative » par rapport au trimestre précédent, ajoute-t-elle. La junte assure ouvrir systématiquement des enquêtes s’il y a lieu. Mais les résultats de de ces enquêtes ne sont généralement pas rendus publics. Lors du renouvellement du mandat de la Minusma en juin, le Mali avait exprimé une « opposition ferme » à la liberté de mouvement des Casques bleus pour des investigations sur les droits humains.
(Avec AFP)
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