Ethiopie : tout est affaire de point de vue
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 13 mai 2013 Lecture : 3 minutes.
La nouvelle Éthiopie
L’Éthiopie ? Pour la plupart des gens – excepté les Jamaïcains rastafaris, qui y voient la Terre promise -, c’est un pays médiéval dont les habitants n’ont rien à se mettre sous la dent. Un cliché qui a la vie dure. Autant que celui qui cantonne les succès de l’Éthiopie à une fabrique d’athlètes hors norme qui, depuis l’époque du pionnier Abebe Bikila, font régulièrement exploser les records mondiaux. Pour les Africains, l’ancienne Abyssinie a d’autres motifs de fierté, elle qui n’a pas connu les affres de la colonisation. Ils pensent aussi, évidemment, à Ethiopian Airlines, la prospère compagnie d’État, qui leur permet de sillonner le continent ou de partir à la découverte du monde à des prix défiant toute concurrence.
Ce que l’on sait moins, c’est que l’Éthiopie avance à pas de géant. Sans un seul puits de pétrole, sans mines d’or ni de diamant, le pays de Ménélik réalise des performances économiques qui rivalisent avec celles des puissances continentales reconnues comme l’Afrique du Sud, le Nigeria ou l’Angola. Mieux, le deuxième pays le plus peuplé du continent (après le Nigeria) a réussi à réduire la pauvreté. À tel point qu’il sera le seul, avec le Ghana, à atteindre dans les délais les Objectifs du millénaire pour le développement.
Développement fulgurant
La modernisation est en marche et l’Éthiopie est un vaste chantier. Ses principales ressources à l’exportation restent pourtant des matières premières agricoles : le café, les fleurs et… le qat, cette plante aux feuilles amères très prisée en Afrique de l’Est et qui, à en croire les accros, redonne du tonus aux muscles autant qu’aux neurones. Il y a aussi les terres que l’État, faute de moyens pour les mettre en valeur, a préféré céder – certains disent « brader » – à des entrepreneurs étrangers. Pourtant, le développement économique et social est fulgurant. Et, en la matière, seuls les résultats comptent.
On peut se demander à quoi est due cette bonne fortune de l’Éthiopie. Aux investisseurs étrangers qui lui font confiance ? À l’aide au développement (2,7 milliards d’euros en 2011), en grande partie accordée par les États-Unis et l’Union européenne ? Aux partenariats stratégiques noués avec certains pays ? À l’entrepreneuriat local, dynamique bien qu’encore balbutiant ? Il y a un peu de tout cela. Mais le plus important semble la volonté affichée par ses dirigeants de changer le visage du pays.
Opposition quasi inexistante
Le plus paradoxal dans cette success story c’est que, à bien y regarder, l’Éthiopie n’a rien, loin s’en faut, d’un modèle de démocratie. Le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF, au pouvoir) détient encore avec ses alliés un monopole digne d’un parti unique : il truste en effet 545 des 547 sièges au Parlement, et, avec seulement deux députés, il est évident que l’opposition est quasi inexistante. L’ancien Premier ministre Mélès Zenawi, disparu en août 2012, a dirigé d’une main de fer le pays pendant plus de vingt ans. Une poigne qui ne l’a pas empêché d’avoir des ambitions réalistes, une vision organisée et prospective ainsi que des projets bien concrets.
La question est de savoir de quel type de dirigeants l’Afrique a besoin pour décoller. Des démocrates pur jus, pas toujours capables de hisser leur pays au niveau de nations qui progressent, ou des autocrates absolus mais parfois dotés d’une vraie vision et dont les réalisations sont palpables ? Quoi qu’il en soit, on ne reprochera pas à Mélès Zenawi de n’avoir rien fait pour l’Éthiopie. Son successeur, Hailemariam Desalegn, qu’il avait pris soin d’adouber avant de s’éteindre, ne semble d’ailleurs pas disposé à changer de cap.
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