Maroc : une irrésistible montée en puissance

Mansouria Mokhefi est responsable du programe Moyen-Orient/Maghreb à l’Institut français des relations internationales (Ifri)

Publié le 20 mai 2013 Lecture : 3 minutes.

Dès son accession au trône, Mohammed VI annonçait l’annulation de la dette africaine à l’égard du Maroc, indiquant par là même qu’une nouvelle page s’ouvrait dans les relations entre le royaume et les pays au sud du Sahara. Les multiples visites royales effectuées sur le continent depuis le début de son règne ont confirmé l’objectif de Rabat de développer un nouveau partenariat entre le Maroc et les pays africains. Nourries par de nombreux liens culturels et religieux, les relations entre la monarchie et l’Afrique s’appuient sur un héritage historique et sur une stratégie économique qui confortent le rôle de partenaire privilégié du Maroc et lui assurent aujourd’hui la place de premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest et celle de deuxième sur le continent.

À un moment où l’Afrique est l’objet de toutes les attentions et suscite les intérêts et convoitises aussi bien des acteurs traditionnels que des nouveaux clients et partenaires, dans un climat de vives concurrences entre les puissances européennes, les États-Unis, la Chine et la Turquie, la diplomatie active et renforcée sous Mohammed VI a consolidé la percée économique et financière des entreprises et banques marocaines et a réussi à instaurer de solides partenariats, essentiellement dans les pays africains francophones. Le récent choix géopolitique de se tourner davantage vers le continent résulte d’une double prise de conscience : d’un côté, l’intégration du Maghreb, pénible et hasardeuse, ne voit point le jour ; de l’autre, le contexte politique et économique d’une Europe frileuse, timorée et en perte de vitesse diminue la visibilité du statut avancé avec l’Union européenne. 

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La volonté du Maroc d’accroître sa présence sur le continent et d’y rechercher de nouveaux relais de croissance est renforcée par la conviction que l’Afrique est le continent le plus prometteur en termes de marchés lucratifs pour le jeune capitalisme marocain. Stratégie facilitée par le vide créé par le déclin de la diplomatie africaine de l’Algérie depuis la mort de Boumédiène et la « quasi-disparition » de l’influence algérienne sur le continent ; en effet, la vision africaine volontariste et l’activisme diplomatique des années 1970 se sont peu à peu évanouis pour laisser place à un désintérêt politique et économique néfaste et à une désastreuse absence d’ambition.

Le royaume se positionne en compétiteur crédible et incontournable.

Outre son rôle de leader religieux – le statut de Commandeur des croyants du roi est reconnu par de nombreux Africains et l’appui sur les confréries lui garantit un soutien spirituel non négligeable -, le Maroc assure les formations de nombreux officiers issus de différentes armées africaines et contribue, par l’octroi de bourses et l’accueil d’étudiants sur son sol, à la formation des futures élites africaines. En Afrique de l’Ouest, le royaume se positionne en compétiteur crédible des intérêts géopolitiques d’une Turquie qui a récemment découvert et investi le continent et devient un acteur désormais incontournable. 

Enfin, la diplomatie économique est au service d’un agenda géopolitique plus large : en endossant le rôle de leader régional et d’interlocuteur stable et crédible dans un Maghreb en proie au chaos, Rabat se donne les moyens d’agir sur une situation politique nationale des plus pressantes. À cause du conflit au Sahara occidental, Rabat a quitté l’OUA en 1984. Son retour en force en Afrique lui offre les moyens de rattraper le temps perdu et les occasions manquées, et de rallier à la cause marocaine de nombreux dirigeants africains prêts à appuyer le retour du Maroc au sein de l’Union africaine. Reste que cet activisme marocain est à relativiser à l’échelle du continent, puisque la présence économique marocaine demeure très faible dans les deux plus importantes économies au sud du Sahara que sont l’Afrique du Sud et le Nigeria. Il doit parfois se faire plus discret, dans la mesure où l’agressivité diplomatique et économique du royaume n’est pas sans susciter quelques réserves et irritations dans certains milieux africains et internationaux.

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