Mystérieux iboga

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  • Edmond Bertrand

    Doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan, membre correspondant de l’Académie française de médecine

Publié le 7 mai 2013 Lecture : 2 minutes.

En février dernier, le responsable de séances d’initiation au bwiti, un rite gabonais utilisant l’iboga, était interpellé à Orly pour dérive sectaire. Parallèlement, des toxicomanes « guéris » témoignaient, eux, des bienfaits de ce même iboga, affirmant qu’il avait permis leur sevrage des drogues dures (cocaïne, héroïne) sans créer une autre dépendance.

Qu’est-ce donc que l’iboga ? Tabernanthe iboga est un arbuste de la forêt équatoriale africaine dont la racine concentre des alcaloïdes actifs. Consommé sous forme de poudre de racine, ce « bois sacré » est connu depuis des siècles par les Pygmées du Gabon et par les Fangs. Utilisé pour des rites initiatiques, l’iboga a pour principe actif l’ibogaïne, isolée en 1901 et proche de la sérotonine. À dose faible, cette dernière est stimulante, euphorisante, fortifiante, ce qui a poussé le Comité international olympique à la ­classer parmi les substances « dopantes » en 1989. À forte dose, elle crée des hallucinations, elle déclenche aussi malaise, vomissements et convulsions, et peut parfois entraîner la mort. En Occident, où on a voulu importer ces rites, des décès se seraient produits au cours de sessions très atypiques, parfois récréatives et souvent payantes (jusqu’à 5 000 dollars au Canada). Peut-être une dérive, quand on sait que les initiateurs traditionnels africains opèrent selon des règles ancestrales précises.

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Pour les adeptes, le bwiti assure l’intégration à la communauté. En outre, l’iboga a des effets favorables sur des maladies psychosomatiques et sur les dépressions ; mais son absorption peut être suivie de troubles psychiques transitoires. Pharmacologue à Libreville, Jean Noël Gassita recommande la prudence à cause des accélérations du rythme cardiaque que cette plante peut provoquer. Mais, pour Pierre Kombila, professeur de cardiologie dans la même ville, on n’a pas observé d’accidents liés à ces pratiques. Un avis partagé par le professeur Pierre Barabé, autrefois coopérant dans le nord du Gabon, qui lui non plus n’a pas personnellement constaté de complications graves, même s’il reconnaît avoir été très impressionné par les cérémonies. Une étude menée au Gabon a néanmoins montré que l’ibogaïne pouvait diminuer les défenses immunitaires.

Ainsi, l’iboga est l’objet de controverses. On ne peut pas ignorer ses effets bénéfiques ou maléfiques, qu’ils soient supposés ou avérés. Certains pays l’ont interdit, à l’instar de la France, où il était commercialisé dans les années 1930 sous le nom de « Lambarène ». Mieux vaudrait en poursuivre l’étude, comme au Canada ou en Slovénie. Et pourquoi pas au Gabon, où l’iboga a été décrété « patrimoine national » ?

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