Centrafrique : la cryptomonnaie de Touadéra trébuche devant la Cour constitutionnelle
Lancé il y a deux mois, le Sango coin peinait déjà à séduire avant que l’institution centrafricaine suprême ne s’oppose à certaines dispositions du projet porté par le chef de l’État.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 5 septembre 2022 Lecture : 2 minutes.
Il y a loin du volontarisme monétaire à l’efficience financière. En lançant la monnaie numérique Sango coin, le 3 juillet, Faustin-Archange Touadéra savait que la communauté internationale allait, au mieux, se gausser de l’initiative, au pire la dénoncer. Mais le chef de l’État centrafricain attendait ces tacles avec l’impatience de celui qui construit son discours nationaliste en réaction à ce genre de critiques. Des critiques, en l’espèce, faciles à relier à une crainte des tenants d’un franc CFA aisément qualifiable de « néocolonialiste ».
Soucieux, justement, de dissiper des accusations de sujétion supposée à un certain groupe paramilitaire étranger, le président centrafricain ne savait pas que sa cryptomonnaie souffrirait d’abord d’une désaffection nationale et, ensuite, d’une réprimande institutionnelle.
Moins de 10 % des actifs acquis
Le 24 août, la plateforme Sango.org annonçait la prolongation jusqu’au 1er octobre de la période de levée de fonds. Selon certaines sources, 7,39 % seulement du volume d’actifs émis avaient trouvé preneurs. Face au manque d’intérêt populaire, c’est sur une quête d’investisseurs étrangers que l’opération financière entendait désormais miser…
Le portail internet du projet détaille les avantages accordés aux détenteurs non-centrafricains de Sango coins, notamment l’obtention facilitée de la nationalité centrafricaine – pour un investissement de 60 000 dollars, bloqué pendant cinq ans –, d’un terrain – 250 m² dans un « quartier résidentiel de Crypto City » pour 10 000 dollars, conservés pendant dix ans – ou, par ricochets, de parts dans les secteurs miniers et forestiers du pays.
Dans un premier temps, les opposants du régime se sont étonnés qu’une démarche patriote se traduise par la « braderie des richesses du pays » à des étrangers. Saisie par le G16 – un groupe de représentants de la société civile –, la Cour constitutionnelle vient de statuer : vendre la nationalité ou un droit de résidence est contraire à la Constitution.
Désaveu institutionnel
Sans recours légal, le gouvernement n’a pu que constater ce contretemps. Et chacun se demande si l’État va devoir rembourser les sommes déjà investies. Les ressources générées par le projet Sango sont entourées d’un flou certain, gérées qu’elles sont directement par la présidence de la République.
Le coup est rude pour un président qui vient de décréter la mise en place d’un comité chargé de réfléchir à une modification de l’actuelle Constitution qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Si l’édifice de la cryptomonnaie centrafricaine peut formellement résister au revers infligé par la Cour constitutionnelle, ce désaveu de l’institution suprême apparaît comme un caillou dans la chaussure de Faustin-Archange Touadéra.
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