Livres : « Dis que tu es des leurs » de Uwen Akpan

Best-seller aux États-Unis après qu’Oprah Winfrey l’a conseillé, le recueil d’Uwen Akpan conte l’horreur dans une langue inventive.

Uwen Akpan est originaire du village d’Ikot Akpan Eda. © DR

Uwen Akpan est originaire du village d’Ikot Akpan Eda. © DR

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Publié le 15 mai 2013 Lecture : 3 minutes.

Effervescence nigériane
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Il est des livres – rares – dont il est impossible de sortir indemne. C’est le cas de Dis que tu es des leurs, d’Uwem Akpan. Ce recueil, cueilli à même la douleur, rassemble cinq nouvelles mettant en scène des enfants au Kenya, au Bénin, en Éthiopie, au Nigeria et au Rwanda. Dans un bidonville de Nairobi, une famille entière vit des revenus d’une jeune adolescente qui se prostitue pour que ses parents puissent acheter des tubes de colle à ses plus jeunes frères et soeur. Près de la frontière entre le Bénin et le Nigeria, un oncle vend les deux enfants dont il a la charge contre une moto de la marque chinoise Nanfang à de riches Gabonais. Au Rwanda, un couple mixte hutu-tutsi tente de protéger sa progéniture, qui n’est ni l’un ni l’autre. Dernier conseil d’une mère qui se sait condamnée à sa fille : « Dis que tu es des leurs… »

« Je voulais faire entendre la voix des enfants, confie Uwem Akpan. Nous n’avons guère l’occasion de savoir ce qu’ils ressentent ou comment ils pensent… » Pour y remédier, l’auteur de 42 ans, originaire du village d’Ikot Akpan Eda, a choisi de mâtiner son « anglais de la reine » de patois, d’argot et d’expressions locales. « Je travaille énormément pour trouver le ton juste, dit-il. Je pose aussi beaucoup de questions. Quand je commence à écrire, je le fais dans un anglais traditionnel, puis je pars à la recherche de gens qui parlent la langue locale afin qu’ils m’aident à reprendre mon premier jet. »

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Huis clos

La méthode est dramatiquement efficace pour donner chair aux personnages et rendre palpables les situations, souvent effroyables, qu’ils vivent. Comme ce long et angoissant huis clos que subit Jubril, jeune musulman menacé par les siens qui doutent de sa foi, dans un bus rempli de chrétiens fuyant les violences perpétrées à leur encontre et prêts à en découdre avec le premier musulman venu… Les religions, souvent, sont au coeur des sombres histoires d’Akpan. Ce n’est guère surprenant : ce jésuite a été ordonné prêtre en juin 2003 et, tout en voyageant beaucoup, il officie au sein du diocèse catholique d’Ikot Ekpene, au Nigeria.

Paraboles

« La religion n’est pas un problème en soi, dit-il. Certains la prennent en otage pour la mettre au service de leur douteux agenda. Être prêtre ne signifie pas que je ne peux pas la critiquer ou qu’elle est parfaite. J’ai même la responsabilité de mettre le doigt sur ce que nous pourrions changer ou sur ce que nous faisons mal… » Puis il ajoute : « Jésus était un prêtre et un conteur. Regardez les paraboles ! Même si vous n’êtes pas chrétien, vous avez entendu parler du bon Samaritain et du fils prodigue. Ces récits ne mentionnent guère Dieu. Ce sont des histoires humaines qu’il racontait pour expliquer aux gens ce qui était bon ou ce qu’ils devaient faire. Alors qu’un prêtre se limite essentiellement à sa congrégation, un écrivain peut avoir une bien plus large audience. »

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Mais pourquoi jeter du sel sur les plaies à vif de l’Afrique ? « Je ne suis pas un afro-pessimiste, mais je suis intéressé par la tragédie. Regardez Eschyle, Sophocle, Shakespeare… Tous écrivaient des tragédies ! Les enfants de mes nouvelles sont aussi doux et aimables et espiègles que les enfants d’Europe ou d’Amérique. Je crois que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. » Sans doute est-il sincère, mais que reste-t-il quand seul demeure au bord d’une route un chien hurlant à la mort près du cadavre d’un enfant égorgé

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