Katanga : l’effet Moïse Katumbi
L’État congolais manquant de moyens pour organiser les élections provinciales, le gouverneur du Katanga joue les prolongations à la tête de l’exécutif territorial. Les ressources continuent de grimper en flèche, de nouveaux chantiers sont engagés. Mais les défis restant à relever sont nombreux.
Le Katanga, au-delà des mines
Il y a maintenant plus de six ans que ça dure. Chacune de ses sorties officielles est un bain de foule. Même lorsqu’il sillonne les rues de Lubumbashi pour rassurer ses habitants, au lendemain de l’incursion d’un groupe de miliciens le 23 mars dernier, le gouverneur doit se frayer un chemin à travers une foule compacte. Depuis son élection à la tête du Katanga en janvier 2007, la popularité de Moïse Katumbi Chapwe n’a pas faibli. « Nous l’aimons parce qu’il agit », résume Jonas Kabamba, un commerçant lushois qui a quitté sa boutique pour venir saluer « Moïse ».
À l’actif du jeune gouverneur (48 ans) de la plus riche province de RDC, la relance du secteur minier, source de financement de la plupart des projets du territoire – et, selon Katumbi, de plus de la moitié du PIB national. Dès son investiture, sa décision d’interdire aux compagnies d’exporter les minerais bruts – dans la limite de ce que la capacité énergétique permet de transformer sur place – a donné le ton, et pendant deux ans il n’a pas relâché la pression pour que tous se mettent au pas. « C’est une mesure forte qui a contraint les industriels à construire leurs unités de transformation au Katanga. Ce qui représente des ressources financières en plus pour la province et des emplois garantis pour la population », souligne Tshoza Kay, présentateur de l’émission Carré minier sur l’antenne lushoise de la Radio Télévision nationale congolaise (RTNC). Grâce à cette manne, le gouvernement provincial parvient, dès sa première année de mandat, à quintupler son budget (voir infographie). Celui-ci poursuivra son ascension jusqu’en 2013, hormis une petite baisse de régime en 2010, contrecoup de la chute mondiale des cours du cuivre – lesquels sont repartis à la hausse, de même que la production locale.
À la va-vite
Avec ces ressources, le gouvernement provincial a investi dans la remise à niveau et la construction d’infrastructures bien réelles – une fois n’est pas coutume en RDC. Réhabilitation d’écoles, bitumage des principales artères de Lubumbashi, installation (en cours) de feux de circulation… S’ils reconnaissent les efforts engagés, certains usagers regrettent cependant que les routes soient parfois retapées à la va-vite. « Après six mois de mise en service, les tronçons réhabilités sont délabrés, déplore Kasongo, dit Djo Kass, un taximan lushois. Pas de marquage au sol, pas de passage piéton… » Et, comme Kinshasa, Lubumbashi ne dispose toujours pas de véritables transports en commun. De gros bus, avec de « vraies places assises », font la navette avec les cités environnantes, mais pour relier les différents quartiers de la capitale katangaise, le système D et les taxis prennent le relais. Ou les taxis-bus : « Des véhicules sans fenêtre où l’on s’entasse… On est encore loin d’une ville moderne », râle un passant qui attend au parking improvisé, chaque soir, à côté de la place de la Poste.
Ailleurs dans la province, quelques grands axes ont été réhabilités et asphaltés, dont les 200 km de la route nationale 1 (RN 1) reliant Likasi, Lubumbashi et Kasumbalesa (poste-frontière avec la Zambie) et les 180 km de la RN 39 entre Likasi et Kolwezi, tout juste achevés par China Railway Engineering Corporation (Crec) et également financés par les taxes de péage. Désormais, on peut rallier le grand pôle minier depuis Lubumbashi en moins d’une journée au lieu d’une semaine auparavant. Mais il reste encore fort à faire, notamment dans le Haut-Lomami et le Tanganyika, dans le Nord.
Miracle
Même constat en matière d’accès à l’eau potable. L’approvisionnement s’est nettement amélioré (près de 70 % de la population alimentée fin 2012, contre moins de 48 % en 2007). Cependant, même dans la périphérie de Lubumbashi, nombre de ménages sont encore contraints d’utiliser l’eau de la rivière « pour se laver, faire la lessive et pour boire, après y avoir mis un peu de chlore », témoigne Sarah, résidente de la « commune annexe ». Des centres de captage ont été modernisés, des puits forés, mais en nombre insuffisant.
Sur le terrain énergétique, l’équation est encore plus complexe. « Du côté de Kasapa [où se trouve l’université de Lubumbashi, NDLR], nous venons de passer près de un mois dans le noir. L’électricité devient de plus en plus rare », explique Joël, étudiant en droit. Entre la vétusté des centrales de la Société nationale d’électricité (Snel) et la demande croissante liée à l’expansion des villes et des activités industrielles, les délestages se multiplient. Un casse-tête quotidien pour les ménages, pour les entrepreneurs et pour Katumbi. Trouvera-t-il un bâton de Moïse pour résoudre tous les problèmes avant le passage de témoin à son successeur ? Les provinciales, prévues au début de 2012 et reportées sine die, ne semblant – à moins d’un miracle – pas pour demain, nombre de Katangais veulent y croire.
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