Destins croisés
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 12 mai 2013 Lecture : 3 minutes.
Le Katanga, au-delà des mines
Aujourd’hui comme hier, dès que la province la plus méridionale de la République démocratique du Congo frémit, chacun redoute la tourmente. Car qui dit Katanga pense mines. Sans compter que, pour le Congolais ordinaire, le Katangais est un homme de tête – présupposé qui, bien entendu, n’engage que ceux qui y croient. Cette parenthèse refermée, il est frappant de constater que, à cinquante ans d’intervalle, la province a connu deux dirigeants prénommés Moïse : Moïse Kapenda Tshombe, l’homme de la sécession de 1960, et Moïse Katumbi Chapwe, l’actuel gouverneur. Comme Moïse le Jeune, son illustre prédécesseur, Tshombe, a été un homme d’affaires prospère avant d’entrer en politique. Leurs destins sont-ils pour autant comparables ?
Regardons celui de la province. Tshombe avait réussi à la détacher du reste du Congo, alors que Katumbi se dit attaché à une République unitaire. Derrière Tshombe, il y avait la main de l’ancien colonisateur. Derrière Katumbi, il y a le Katanga.
Icône
Après avoir été contraint de renoncer à la sécession, Moïse l’Ancien s’était retrouvé miraculeusement nommé Premier ministre à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) avant de devoir reprendre le chemin de l’exil. Son ultime tentative de reconquête du pouvoir central se terminera par un atterrissage forcé à Alger, une assignation à résidence et une mort suspecte sous Boumédiène. Ce Moïse-là était populaire, ou populiste, c’est selon.
Katumbi, lui, est revenu d’exil. Compte tenu de son sens aigu des affaires, sa réussite en ce domaine n’a surpris personne. À ceci près que, dans un pays où les hommes d’affaires autochtones sont une espèce en voie d’extinction, elle a fait de lui une icône. Son élection à la tête de la province minière en 2007 en a, en revanche, étonné plus d’un. Depuis, ses efforts pour tirer le Katanga vers le haut n’ont pas fléchi. Et, même s’il reste beaucoup à faire, on ne peut que reconnaître qu’ils n’ont pas été vains : le budget de la province n’a cessé d’augmenter, ses ressources sont réinvesties, la réhabilitation et la construction se poursuivent et, dans tous les secteurs, on semble travailler plus qu’ailleurs.
La frontière est-elle cependant si nette entre le gouverneur et le propriétaire d’entreprises ? Difficile en effet de savoir si Katumbi est uniquement au service de la province ou s’il ne garde pas un oeil sur ses affaires, dont il s’est retiré en en confiant la direction à ses proches au début de son mandat. Est-il normal de faire réaliser des travaux d’intérêt public avec des fonds personnels ? ou si désintéressé que cela de multiplier les « cadeaux » ? Bus, bateaux, maïs, matériel scolaire, équipements sportifs, etc. : dans la province, les « dons de Moïse Katumbi » sont légion.
Impunité
L’aura de l’homme tient aussi au fait qu’il a réussi à apporter du rêve à ses administrés – et à tous les Congolais – à travers les succès de l’équipe de football dont il a pris les commandes en 1997, le Tout Puissant Mazembe, l’un des meilleurs clubs du continent. Ange ou démon, le gouverneur du Katanga séduit autant qu’il dérange. Et brouille les cartes avec un brio indéniable.
Voilà pourtant qu’il a décidé de passer la main et de ne pas solliciter un nouveau mandat de gouverneur, les prochaines élections provinciales étant reportées aux calendes grecques car l’État congolais n’a pas les moyens nécessaires pour les organiser. Mais faut-il le croire quand il déclare ne pas être « un obsédé de la politique » ? Une chose est sûre : ce Moïse-là ne garde plus sa langue dans sa poche. Il dit, par exemple, que l’impunité reste le plus grand mal dont souffre son pays. En d’autres termes, que l’État doit cesser d’être faible. Ce qu’il fallait démontrer.
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