Comores : pieds nickelés, le retour
Une quinzaine de personnes suspectées de tentative de putsch ont été arrêtées. Mercenaires, militaires, hommes d’affaires… Sur l’archipel, le scénario n’est que trop connu.
Le 19 avril, les forces de sécurité comoriennes ont déjoué ce qu’elles appellent « une tentative de déstabilisation » et qui a toutes les apparences d’un putsch. On y trouve tous les ingrédients d’un cocktail typique de l’histoire des Comores : des mercenaires étrangers, quelques éléments de l’armée nationale et des hommes d’affaires, dont le fils d’un ancien président…
Les premières arrestations ont eu lieu dans la soirée du 19 avril près de Moroni. Joris Nkombe et Alamine Moustapha sont cueillis alors qu’ils tentaient depuis le début de la semaine de se procurer des armes de guerre. « On les suivait de près, ils n’étaient pas très discrets », indique une source sécuritaire. Le premier, considéré par les enquêteurs comme le chef des opérations, serait un colonel de l’armée congolaise (RD Congo) formé à la prestigieuse école militaire française de Saint-Cyr et exilé depuis quelques années en France, où il s’était rapproché des milieux d’extrême droite. Le second serait un ancien officier de l’armée tchadienne formé lui aussi à Saint-Cyr. Tous deux ont débarqué aux Comores par un vol régulier.
La deuxième vague d’arrestations intervient le lendemain : dans les mailles du filet, cinq autres Congolais. Le surlendemain, une dizaine de Comoriens, des militaires et des civils trahis par les contacts téléphoniques qu’ils ont eus avec les mercenaires, sont interpellés. Parmi eux figure le « cerveau présumé », Mahmoud Ahmed Abdallah, l’un des nombreux fils de l’ancien président Ahmed Abdallah (assassiné en 1989), qui vit confortablement de ses rentes (il possède notamment des terres à Mayotte) et qui avait déjà été impliqué dans une tentative de putsch en 2000. Deux de ses frères, Abdérémane et Cheikh, avaient fomenté (en vain) un autre coup d’État en 1992. L’histoire de famille ne s’arrête pas là : un beau-frère de Mahmoud, commerçant spécialisé dans les équipements de sécurité, a également été arrêté. Il aurait eu pour mission de se procurer des armes.
Des sous-officiers ont aussi été mis aux arrêts, dont le capitaine Amdjad Ahmed Djaé. Formé à Saint-Cyr lui aussi, il avait été radié de l’armée après avoir participé à une tentative de putsch au début des années 2000, indique une source militaire. Finalement réintégré, il occupait dernièrement le poste stratégique de chef de corps adjoint de l’armée comorienne.
Mauvais film
Au total, quinze personnes étaient interrogées au camp militaire de Kandani le 25 avril. Selon les autorités, qui ont annoncé l’ouverture d’une enquête judiciaire, leur plan consistait à assassiner le président des Comores, Ikililou Dhoinine, le chef d’état-major, le colonel Youssouf Idjihadi, et le chef de corps, le lieutenant-colonel Ibrahim Ahamada, avant de placer Mahmoud Ahmed Abdallah à la tête du pays et d’imposer le retour à l’ancienne Constitution, plus centralisatrice.
La plupart des acteurs de ce mauvais film étaient des proches de l’ex-président Mohamed Taki Abdoulkarim, décédé en 1998. Selon plusieurs sources, l’enquête aurait révélé qu’un Français qui grenouille dans le milieu des mercenaires depuis trente ans (il a été aperçu aux Comores aux côtés de Bob Denard dans les années 1980, a participé à un coup d’État manqué en 1990 et fut un conseiller de Taki) aurait procédé au recrutement en France.
Dans une déclaration télévisée le 24 avril, le président Dhoinine a simplement confirmé qu’une « tentative de déstabilisation » avait été déjouée. Au vu des éléments dont ils disposent, l’opposition et les diplomates en poste à Moroni affirment n’avoir aucune raison d’en douter. « Le dossier semble solide », affirme un ancien ministre.
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