Malabo blues
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 29 avril 2013 Lecture : 2 minutes.
les nuages s’amoncellent et l’orage gronde. Petit pays de 28 000 km2 et 700 000 habitants, la Guinée équatoriale fut longtemps considérée par ses voisins comme un inépuisable réservoir de main-d’oeuvre et de domesticité corvéables à merci. Grâce à la découverte d’importants gisements pétroliers, elle s’est métamorphosée en richissime émirat tropical. Cette manne ne l’empêche plus de susciter de vives inquiétudes.
La moindre n’est pas l’après-Teodoro Obiang Nguema, « baobab national » depuis 1979 dont on dit la santé chancelante. Entre les membres de son clan – fils, oncles, épouses… -, les relations sont notoirement exécrables. Sans « Papa Teo », qui a fait de Teodorín, son flambeur de fils, son successeur, il y a d’ailleurs fort à parier qu’elles vireraient au règlement de comptes à OK Corral ! De l’aveu même de ceux qui le connaissent, ce choix de Teodorín étonne, tant sa capacité à diriger le pays est sujette à caution. Précision utile : il est visé par un mandat d’arrêt international. Les justices française, américaine et espagnole s’accrochent à lui comme un cow-boy à son mustang. Saisies de biens immobiliers ou de voitures de luxe, perquisitions, menaces d’interpellation dès qu’il fait un pas hors de son pays… La vie du dauphin désigné n’est pas facile tous les jours !
L’image de la Guinée équatoriale est quant à elle régulièrement écornée. Et pas seulement à cause de Teodorín-l’enfant-gâté. Son indice de développement humain (elle se classe 136e sur 186 pays étudiés) est infamant pour le huitième producteur de pétrole du continent, surtout compte tenu de sa faible population. À Malabo, l’environnement des affaires évoque le Far West à la grande époque. En représailles à l’enquête diligentée à Paris sur les biens mal acquis, les entreprises françaises sont par exemple harcelées, parfois contraintes au départ. Les travailleurs étrangers sont traités comme des citoyens de seconde zone, et les ressortissants africains – camerounais, maliens, tchadiens ou ghanéens – expulsés à tour de bras, même s’ils sont en situation régulière (près de 200, le 17 avril). L’opposition est réduite à l’exil et la conception que les autorités se font des droits de l’homme n’est pas vraiment en adéquation avec les critères modernes. Quant à la corruption, elle est effrayante. Dans le classement Transparency International 2012, la Guinée équatoriale apparaît au 163e rang (sur 174). Et pour couronner le tout, une récession économique annoncée pour cette année.
Difficile, donc, de ne pas s’inquiéter pour ce pays qui avait tout pour devenir la Suisse de l’Afrique centrale, comme le suggère le titre de son hymne national. Caminemos pisando la senda de nuestra inmensa felicidad signifie à peu près : « Marchons sur le chemin de notre immense bonheur. » L’auteur avait sûrement le sens de l’humour.
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