Livres : Fatou Diome face à ses fantômes
Dans son dernier roman, largement autobiographique, l’auteure franco-sénégalaise Fatou Diome se confronte aux souvenirs de son enfance. Une démarche nécessaire pour trouver sa place parmi les adultes.
Dans la vraie vie, elle s’appelle Fatou. Dans Impossible de grandir, elle est Salie, une jeune femme qui se raconte par la voix de son double, enfant, « la Petite ». Alors que Salie pourrait se faire une place parmi les adultes de la société française où elle évolue désormais, une petite voix intérieure l’en empêche, la ramenant sans cesse à son enfance sénégalaise. S’installe alors, entre les deux, une conversation imaginaire qui permet d’ouvrir des tiroirs abritant des myriades d’histoires intimes, à l’origine des tumultes intérieurs de l’héroïne.
Fêlures
Ainsi Salie apprend-elle que celle qu’elle considère comme sa mère est en réalité sa grand-mère, et sa prétendue soeur, sa mère biologique. Un attelage familial complexe pour expier une faute : celle d’être une enfant illégitime, fruit d’amours adolescentes, une bâtarde, une bouche de trop. Une illégitimité qui semble légitimer les violences de certains membres de la famille, en dépit de l’amour de ses grands-parents, et qui la pousse à vivre à l’écart. Alors, comment devenir adulte quand son enfance a été salie par le regard et les propos d’adultes ? Pour « la Petite », la gamine tapie en Salie, il suffit d’assumer ses fêlures en les dévoilant aux autres.
Comme dans Kétala, paru en 2006, les thèmes de l’exil (la scène se déroule en Alsace) et de la mémoire ponctuent ce dernier ouvrage. Mais l’auteure innove en s’attaquant à un tabou : la maltraitance des enfants illégitimes dans la société sénégalaise. Impossible de grandir est aussi un roman quasi musical – la kora ou encore le flamenco de Paco de Lucía sont omniprésents -, qui laisse par ailleurs une large place à l’autodérision et fait ressortir une mosaïque d’émotions et de couleurs. Fatou Diome écrit pour bien clamer sa légitimité de vivre.
________
Impossible de grandir, Fatou Diome, Éd. Flammarion, 416 pages, 21 euros.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Culture
- Algérie : Lotfi Double Kanon provoque à nouveau les autorités avec son clip « Ammi...
- En RDC, les lampions du festival Amani éteints avant d’être allumés
- Trick Daddy, le rappeur qui ne veut pas être « afro-américain »
- RDC : Fally Ipupa ou Ferre Gola, qui est le vrai roi de la rumba ?
- À Vertières, les esclaves d’Haïti font capituler les troupes de Napoléon