Oum, le grand mix marocain
Dans son nouvel opus, Oum célèbre la diversité musicale de son pays, qu’elle mêle volontiers au jazz, à la soul et à la bossanova.
Son prénom composé, Oum El Ghaït, signifie « Mère de la délivrance ». On le donnait autrefois aux petites filles nées dans le désert un jour de pluie. Elle n’a pas vu le jour dans les dunes, mais dans le tumulte de Casablanca. Oum n’en a pas pour autant oublié ses origines sahraouies. Loin de là. Plutôt que sur une scène casablancaise, c’est dans le désert marocain que la chanteuse avait choisi en novembre 2012 de dévoiler son nouvel album, Soul of Morocco, qui sort le 23 avril. Présenté sur la scène ensablée du Festival Taragalte, à M’Hamid el-Ghizlane, dont elle était la marraine de l’édition 2012, ce troisième opus de la chanteuse de 34 ans mélange la variété marocaine au jazz, à la soul et parfois à la bossanova. « Comme son nom l’indique, cet album s’inspire des différentes âmes musicales de mon pays, analyse Oum. Il me semble plus marocain que les précédents. »
Ce retour aux sources s’est fait progressivement, au fil du temps. La petite fan d’Aretha Franklin et de Whitney Houston a grandi à Marrakech. À l’âge de 14 ans, elle découvre la chanson dans une chorale de gospel, séduite par le côté « vocal et spirituel » du chant afro-américain. Entre soirées familiales au karaoké et répétitions avec Armando, un pianiste italien qui compose pour elle, Oum consacre une bonne partie de son temps libre à la musique. Le bac en poche, elle intègre l’École nationale d’architecture de Rabat. « Je suis partie pour les études, mais j’avais toujours l’idée de chanter derrière la tête », confie-t-elle dans un regard rieur.
En France, j’étais un peu la Maghrébine qui devaitplacer un "habibi" tous les cinq mots.
L’« idée » prendra réellement forme trois ans plus tard, lorsqu’elle s’installe à Casablanca pour se consacrer davantage à sa passion. Elle y donne quelques concerts avec le groupe Brotherhood tout en prenant soin de finir ses études. En 2002, une rencontre décisive avec le producteur français Philippe Delmas va accélérer son parcours artistique. « Il m’a proposé de venir faire des enregistrements en studio et des concerts en France. J’étais ravie, c’étaient mes premiers textes. » Deux ans plus tard, c’est pourtant elle qui mettra fin à l’expérience parisienne. « J’étais un peu la Maghrébine qui devait placer un "habibi" tous les cinq mots, c’était trop formaté à mon goût », justifie la chanteuse.
Acoustique
Un événement tragique va marquer le cheminement identitaire d’Oum. Le 16 mai 2003, cinq attentats-suicides tuent une quarantaine de personnes à Casablanca. « Après les explosions, j’ai vu les miens solidaires, égaux et pleins d’amour, se rappelle-t-elle. Ce jour-là, j’étais fière de mon pays. » Durant cette période, elle fréquente des artistes de la nouvelle scène marocaine qui chantent en darija (arabe dialectal). Un déclic se produit. Désormais, elle aussi chantera dans sa langue maternelle. « Je me suis sentie plus vraie, plus naturelle », souffle-t-elle.
Oum commence alors à se faire un nom dans le royaume chérifien. Ses chansons passent à la radio, elle participe à plusieurs festivals comme Tanjazz, à Tanger, Mawazine, à Rabat, ou le Festival gnawa d’Essaouira. Après Lik’Oum (2009) et Sweerty (2012), elle se lance avec un quatuor acoustique dans la création de Soul of Morocco, une ode contemporaine aux multiples facettes de la musique marocaine.
Mariée, mère d’un petit garçon de 5 ans, Oum est une artiste épanouie qui revendique des influences diverses. « Je suis marocaine, donc arabe, méditerranéenne et africaine », lâche-t-elle. Son style vestimentaire et son attitude sont l’expression de cette identité variée. Sur scène, elle arbore turbans colorés, sarouels et parures traditionnelles. Lorsqu’elle ne chante pas, elle manie les crotales (sortes de castagnettes métalliques) gnawas ou lance parfois des youyous, célébrant la diversité marocaine.
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Benjamin Roger, envoyé spécial à M’Hamid el-Ghizlane
– Soul of Morocco, d’Oum (Lof Music – MDC/Harmonia Mundi), à paraîtrele 23 avril.
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