Venezuela : où va le chavisme ?
La courte victoire de l’héritier de Hugo Chávez, Nicolás Maduro, à la présidentielle du 14 avril a débouché sur de sanglants affrontements avec l’opposition. Tout dépendra désormais de l’attitude de l’armée.
« Je suis le premier président chaviste après Hugo Chávez. Je vais remplir ma mission en protégeant les pauvres, l’indépendance de la patrie et la construction du socialisme. » Au soir de l’élection présidentielle du 14 avril, avant même la proclamation des résultats, Nicolás Maduro s’est empressé de se présenter en digne successeur du Comandante, ce qui se conçoit : avant sa disparition, le 5 mars, des suites d’un cancer, celui-ci l’avait officiellement intronisé comme son dauphin.
Confirmée par le Conseil national électoral (CNE), une instance ouvertement chaviste, la victoire de Maduro est cependant loin d’être aussi éclatante que celles qui ont jalonné la carrière de Chávez. 50,75 % des suffrages, contre 48,97 % pour son rival, Henrique Capriles Radonski… Pas de quoi pavoiser. L’opposition réalise son meilleur score depuis le début de l’ère chaviste, en 1998. Elle obtient par exemple plus de 1 million de voix supplémentaires par rapport au scrutin d’octobre 2012 face au président défunt (7,3 millions, contre 6,2 millions). Capriles soutient en outre que la consultation a été marquée par de graves irrégularités. Soutenu par les États-Unis et l’Organisation des États américains (OEA), il a déposé un recours officiel auprès du CNE afin d’obtenir un recomptage des voix.
Nombre de militaires paraissent excédés par l’influence de plus en plus envahissante des Cubains.
Dans les deux jours qui ont suivi le scrutin, il a appelé ses partisans à manifester dans les principales villes du pays en tapant sur des casseroles.
Ces rassemblements ont hélas débouché sur des violences qui ont fait 7 morts et 61 blessés. Des chaînes de télévision jurent que leur siège à Caracas a été attaqué par des opposants. Le domicile de Tibisay Lucena, la présidente du CNE, a lui aussi été pris pour cible. Plus de 130 personnes ont été arrêtées, et les autorités envisagent d’engager des poursuites pénales contre Capriles. Ce dernier, qui accuse le gouvernement d’avoir provoqué ces violences, a été contraint d’annuler la grande manifestation qu’il souhaitait organiser le 17 avril. Il appelle désormais au dialogue.
Caprices
Maduro ne voit là que « caprices de bourgeois » et dénonce une tentative de coup d’État. « S’ils veulent me renverser, qu’ils viennent me chercher. Je suis là avec un peuple et une armée », menace-t-il. En limitant à dix jours la campagne électorale, il voulait ne pas laisser le temps à l’opposition de s’organiser. Et il comptait sur l’émotion provoquée par la disparition de Chávez pour l’emporter haut la main. Raté. Il n’est toujours pas parvenu à imposer son style. Si la plupart des chavistes ont voté pour lui, c’est moins par adhésion à sa personne que par fidélité au président défunt.
Quant à l’armée, pourtant l’un des piliers du régime, elle semble prendre ses distances avec Maduro. En tout cas, une partie d’entre elle. Une enquête a d’ailleurs été ouverte contre un petit groupe de militaires soupçonnés d’avoir été en contact avec l’opposition. On murmure que l’état-major apprécie modérément l’influence de plus en plus envahissante de Cuba dans les affaires intérieures du pays. Quant à la grande majorité des Vénézuéliens, confrontés qu’ils sont à l’augmentation du chômage et de la violence, ils ne croient plus guère à la « révolution bolivarienne » chère au Comandante.
Le président élu va-t-il chercher à s’imposer par la force ? Les atours démocratiques de la République vénézuélienne vont-ils céder la place à un régime ouvertement autoritaire ? « Maduro n’a plus que l’héritage et le souvenir de Chávez pour faire face à la crise politique que traverse le Venezuela. Il est très fragilisé », commente le correspondant à Caracas d’un journal espagnol.
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Par Marie Villacèque
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