Félicité Donyo : patronne des patrons
D’origine togolaise, formée en France, cette styliste a monté son entreprise au Québec. Ses vêtements pour enfants en batik commencent à faire parler d’eux.
La grande maison lavalloise, en banlieue de Montréal, dans laquelle nous reçoit Félicité Donyo est typiquement québécoise… et teintée d’Afrique. La grande cheminée en pierre trône dans le salon, l’odeur de bois brûlé se mêle à une décoration harmonieuse inspirée par le continent, et dans un deuxième salon réaménagé, la designer a installé son atelier où s’affaire minutieusement sa couturière, Mireille, à la machine à coudre. Ciseaux, fils, chutes, patrons et vêtements multicolores présentés sur des cintres peuplent le laboratoire créatif de cette styliste qui commence à faire parler d’elle.
À l’âge de 2 ans, Félicité quitte le Togo avec ses parents pour la France où ils s’installent en région parisienne. Après son baccalauréat en arts appliqués, l’école Duperré à Paris et un BTS de stylisme, l’étudiante ne trouve pas de stage. « C’était dans les années 1990, je n’ai rien trouvé durant deux ans. J’ai envoyé des CV partout sans aucun débouché. J’ai fini à l’accueil d’Euro Disney, où j’ai travaillé pendant six mois. »
Cette pénible fin de parcours scolaire angoisse l’ambitieuse Félicité. « Je savais que j’aspirais à autre chose, ailleurs. J’ai dit à mes parents que je voulais continuer mes études à l’étranger. » Hésitant d’abord entre l’Australie et le Canada, la jeune Togolaise opte pour le Grand Nord. « J’avais une petite expérience du pays. À 15 ans, j’avais une correspondante à Ottawa, la capitale, j’y étais donc déjà allée pour un mois. » En décembre 1993, Félicité Donyo se lance dans les démarches afin d’obtenir un visa étudiant pour le Québec. L’école Duperré valide son choix et lui permet de faire la rentrée 1994 au Cegep Marie-Victorin de Montréal, un collège d’enseignement général et professionnel. Malgré les inquiétudes de ses parents, elle entame sa nouvelle vie à 22 ans. « J’ai su qu’il y avait quelque chose à faire ici. C’était écrit, il fallait que je reste là. »
L’intégration de la jeune Togolaise se passe en douceur grâce à sa colocataire québécoise plus âgée, une « grande soeur » qui la « traînait partout ».
Après deux ans de Cegep, Félicité rejoint une compagnie anglophone d’accessoires de mode, Do-Gree Fashions. Elle débute comme stagiaire designer et, douze ans plus tard, devient responsable du bureau de design. Un emploi qui lui permettra d’entrer dans le milieu par le biais du travail manufacturier. « C’est là que j’ai appris tout ce que je sais. J’ai voyagé au Québec, j’ai rencontré de nombreux couturiers, des fournisseurs, des clients… »
Mais après douze ans, la volonté de passer à autre chose est plus forte. « Je me suis dit : pourquoi ne pas mettre cette énergie à mon propre service ? » Elle rêve à de nouveaux défis, et les concepts se bousculent dans sa tête. Elle couche tout sur papier et, en 2008, parvient à une première ébauche de sa future compagnie. « J’ai quitté mon emploi pour me concentrer sur mon entreprise. Lors de voyages en Indonésie et en Afrique, j’ai acheté des tissus batiks. Et comme j’ai toujours adoré les enfants, j’ai décidé de les habiller avec. Naturellement. »
En décembre 2008, la jeune entrepreneuse décide de tenir un kiosque au Salon des métiers d’art de Montréal. Elle prépare 160 vêtements qu’elle coud seule, jour et nuit. « L’accueil a été très positif. » Après ce petit succès, Félicité Donyo décide de structurer son « business » et se rend au Centre local de développement économique qui aide les jeunes entrepreneurs, notamment dans la préparation de leur plan d’affaires. Depuis novembre 2009, la fondatrice de Fili vêtements pour enfants parcourt les salons du Québec, mais aussi de Toronto, Londres et New York.
Quatre boutiques présentent aujourd’hui ses créations à travers le Québec. L’expansion à l’international est imminente. « Une Sud-Africaine en vacances au Québec m’a contactée pour savoir si elle pouvait vendre mes vêtements à Johannesburg. Maintenant elle les propose dans sa boutique et sur son site. »
Si la femme d’affaires tient à garder son salaire et son budget confidentiels, elle vante en revanche l’originalité de ses créations. « La touche Fili est unique. Ce ne sont pas de simples boubous pour enfants. » Les vêtements cousus main « marient en effet les couleurs des batiks africains et indonésiens pour créer des tenues imprimées confortables ».
L’avenir ? « J’aimerais développer ma collection haut de gamme sur mesure. » Mais aussi trouver un atelier plus grand, embaucher, multiplier sa présence dans les boutiques… sans sacrifier cette liberté qui lui permet de retourner régulièrement au Togo pour rendre visite à sa famille, mais aussi pour développer ses contacts.
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