Maroc : notre diplomatie parlementaire en quête d’action

En dépit de la multiplication des accords bilatéraux entre le Maroc et le reste du continent, les investissements du royaume sont encore en deçà du potentiel des échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne. Les parlementaires pourraient contribuer à y remédier.

Devant le Parlement marocain, à Rabat, le 16 mars 2017. © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

  • Othmane Bentaleb

    Député marocain – membre de la commission des affaires étrangères, de la défense nationale, des affaires islamiques et des MRE.

Publié le 11 septembre 2022 Lecture : 4 minutes.

On le sait, le Maroc a hérité d’une longue histoire, profondément enracinée en Afrique. Ces vingt dernières années, le pays s’est engagé à promouvoir sa vision de la coopération Sud-Sud, laquelle se traduit par une longue série d’accords bilatéraux avec ses pairs africains dans les domaines sécuritaire, économique, culturel et spirituel. Aujourd’hui, afin de concrétiser cette nouvelle dynamique, plusieurs projets de développement ont été mis en œuvre dans le cadre du partenariat gagnant-gagnant tel qu’impulsé par le souverain.

Depuis deux décennies, on observe que l’outil diplomatique du royaume se déploie davantage dans la zone d’influence naturelle du Maroc, à savoir le Sud. Changement important à relever, la diplomatie marocaine a opéré un saut considérable puisqu’elle a placé le volet économique de la relation au cœur de son action, aux côtés des autres objectifs traditionnels de défense des intérêts. De plus en plus, elle joue le rôle de facilitateur pour les investissements marocains dans le continent, faisant ainsi du Maroc le deuxième investisseur africain sur le plan continental et le premier investisseur en Afrique de l’Ouest.

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Parier sur l’interdépendance économique

Néanmoins, ces investissements sont encore en deçà du potentiel des échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne. Les investisseurs marocains ayant peu ou pas du tout intégré la dimension internationale dans leur stratégie de croissance subissent la fragmentation du tissu productif régional. Un nombre de plus en plus important de nos parlementaires prennent ce sujet au sérieux et sont prêts à arrimer les entreprises marocaines à la diplomatie économique.

Du côté du cadre multilatéral africain, une directive prometteuse marque clairement l’ambition du Maroc de consolider son interdépendance économique avec les grandes économies du continent. Ainsi, structurant pour tout le bassin ouest-africain, le projet de gazoduc entre le Maroc et le Nigeria en est la parfaite illustration. Il assurera un progrès très significatif dans le processus d’intégration des économies de la région tel que celui de la Zlecaf.

Ce développement de la coopération Sud-Sud soutenu, qui fait consensus parmi 54 pays, exige également une prise de position claire et lucide de la part des chefs de gouvernement africains vis-à-vis du Sahara marocain. Le message du souverain lors de son dernier discours à la nation était sans fard : « le Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international, et la mesure de la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats que le royaume établit. » Et là aussi, la diplomatie parlementaire peut porter ce plaidoyer, et à tous les niveaux. Mais si les chefs d’État expriment leur volonté pour l’unité et le développement de la coopération Sud-Sud dans leurs discours, qu’est-ce qui les empêche de traduire leurs paroles en actes ?

Quand on entend certains dirigeants africains parler d’unité et de la nécessaire intégration économique dans un monde qui ne croit qu’à la force, et face à des blocs politiques et économiques qui n’ont aucun lien historique, idéologique ou linguistique fort entre eux, mais qui ont réussi à gommer toutes leurs différences – l’Union européenne est d’ailleurs en ce sens un modèle vivant –, nous nous attendons à une collaboration politique tous azimuts, qui peut se matérialiser par une collaboration parlementaire entre les différents pays, éloigne l’horizon d’une union forte, et la cantonne à l’incantation.

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Le dernier imbroglio entre le Maroc et la Tunisie révèle en ce sens une incompréhension et un manque de cohérence à tous les niveaux d’une relation diplomatique. Qui aurait pu penser que la dernière Ticad nous dévoilerait une crise sans précédent entre deux pays pourtant très proches ? Ce qui me laisse personnellement dubitatif quant à l’idée du Grand Maghreb arabe. Devrions-nous plutôt croire en l’utopie maghrébine ? Celle dont a parlé ici même Hamza Hraoui et dont je reprends une citation encore d’actualité : « Les régimes du Maghreb sont moins victimes de la force de leurs ennemis extérieurs que de leurs démons intérieurs. »

Maintenir le rythme de la relation

Pour servir les intérêts du royaume sur le continent africain, je continue de croire que la diplomatie parlementaire peut porter les objectifs stratégiques du pays pour soutenir la politique étrangère du royaume, qu’elle concerne l’intégrité territoriale du royaume et la coopération multidimensionnelle avec l’Afrique. Comme nous le savons tous, les relations d’État à État ont certes besoin d’impulsion d’en haut, mais maintenir le rythme de la relation et même explorer d’autres leviers de coopération est aussi le rôle d’autres acteurs, qu’ils soient étatiques ou non. Parmi ces derniers, je citerai ici le Parlement avec ses deux chambres.

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Notre institution parlementaire ne demande en effet qu’à être impliquée dans des questions concernant la politique étrangère du pays, conduite sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères. Par son action législative diplomatique, le Parlement constitue un maillon important dans l’incorporation des conventions internationales dans le droit marocain. La diplomatie parlementaire n’est évidemment pas un monolithe, mais elle aide certainement à la résolution de conflits diplomatiques en cherchant le soutien des parties prenantes pour trouver des chemins de discussion alternatifs.

Favoriser les échanges de parlementaires

Une diplomatie parlementaire influente implique une attitude proactive pour défendre les intérêts stratégiques du royaume et rapprocher les points de vue. Mais aussi réactive, qui s’adapte rapidement avec l’agenda géopolitique régional et international.

Dans ce contexte, les échanges de délégations parlementaires constituent un outil puissant pour assoir les bases de notre politique étrangère souhaitée par notre souverain et portée par le ministère des Affaires étrangères et par les parlementaires. Cela passe par les visites de délégations auprès des Parlements d’autres pays et l’accueil des homologues, permettant ainsi aux parlementaires marocains de maîtriser des dossiers complexes qui concernent les deux pays.

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