Sénégal : Affaire Karim Wade, ni au dessus de la loi ni en dessous
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Mehdi Ba
Journaliste, correspondant à Dakar, il couvre l’actualité sénégalaise et ouest-africaine, et plus ponctuellement le Rwanda et le Burundi.
Publié le 30 avril 2013 Lecture : 2 minutes.
En matière de scandales politico-financiers, le Sénégal vit une expérience inédite qui ravale l’affaire Cahuzac, en France, au rang d’aimable telenovela brésilienne. Au lendemain de l’élection de Macky Sall, c’est une véritable opération mains propres qu’a déclenchée son gouvernement. Visant les plus hauts responsables du défunt régime Wade, soupçonnés d’appropriation à grande échelle du patrimoine de l’État, les procédures initiées par la justice ont conduit, en moins de un an, au placement en détention de Karim Wade.
La détermination du nouveau pouvoir à rompre avec des pratiques qui n’avaient que trop longtemps gangrené la gestion du bien public, sapant la confiance dans l’intégrité de ses élites, mérite d’être saluée et encouragée. Toutefois, dès lors qu’elle emprunte la voie judiciaire, cette croisade se doit d’en respecter les principes fondamentaux, faute de quoi la lutte contre l’impunité s’en trouverait fragilisée. La décision rendue en février par la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) rappelait, en substance, cette évidence : si les principaux ténors du régime Wade ne sont plus – et c’est heureux – au-dessus des lois, ils ne sont pas non plus passés au-dessous. Ils bénéficient de la présomption d’innocence et de la plénitude des droits de la défense.
Quant au fond du dossier, il est censé reposer sur un postulat implicite : démontrer de manière incontestable que le patrimoine frauduleux appartient bien à l’intéressé.
Adoptée en 1981, la loi sur l’enrichissement illicite devait offrir une alternative à la poursuite d’infractions financières classiques – comme la corruption – réputées complexes à établir. D’où cette disposition permettant de contourner l’obstacle : plutôt que d’exiger de la justice qu’elle prouve les malversations, c’est à la personne mise en cause de prouver la licéité de l’acquisition de son patrimoine.
À ce stade de la procédure, la principale question concerne la dizaine de sociétés portuaires ou aéroportuaires dont il faut déterminer de façon incontestable qu’elles seraient une possession déguisée de l’ancien ministre.
Or les éléments aujourd’hui disponibles incitent à rester prudent sur cette thèse. Si elle ne se vérifiait pas, cela ne signifierait pas pour autant que le président Wade et son proche entourage ont pratiqué une gestion vertueuse des deniers publics. Mais si la justice doit passer, elle ne peut s’exercer qu’avec rigueur et impartialité, en considérant les puissants d’hier comme des justiciables parmi d’autres. La réussite de l’opération mains propres voulue par Macky Sall est à ce prix.
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