Centrafrique : Noureddine Adam, général de fortune
Ministre d’État chargé de la Sécurité, le nordiste Noureddine Adam paraît le seul à pouvoir garder un tant soit peu le contrôle de la situation dans une Centrafrique en proie à l’anarchie et aux pillages.
Si tant est qu’une coalition d’ex-rebelles, qui éprouve manifestement les pires difficultés à mettre un terme à l’anarchie un mois après s’être emparée du pouvoir, puisse avoir un homme fort, Noureddine Adam, 43 ans, est celui-là. Parmi les colonels et généraux autoproclamés qui ont mis en déroute François Bozizé et ce qui restait de l’armée centrafricaine, il est le plus ancien dans le grade le plus élevé, et sans doute le plus fiable. À l’hôtel Ledger où il a pris ses quartiers, aux côtés du nouveau président Michel Djotodia, le portable du ministre d’État chargé de la Sécurité et de l’Ordre public ne cesse de sonner. À l’autre bout du fil, les appels angoissés d’opérateurs économiques, d’ONG ou d’expatriés qui tous sollicitent son intervention pour sécuriser leurs biens menacés par les pillards. Autant dire que, depuis le 24 mars, cet homme rugueux et taiseux ne chôme guère.
Contrairement à la rumeur, qui voit en lui un Tchadien, Noureddine Adam est un Centrafricain, de ce Nord-Est longtemps oublié, là où il est souvent difficile de démêler un habitant de la Vakaga d’un originaire du Salamat. Nordiste d’ethnie rounga, né à Ndélé et musulman (son père a été l’iman du quartier Miskine à Bangui), donc doublement minoritaire, il opte très tôt pour l’expatriation. Au Soudan tout d’abord, puis en Égypte, où il intègre l’Académie de police du Caire dont il sortira diplômé au milieu des années 1990.
Noureddine Adam ne s’étend guère sur ses quatorze mois de formation d’élite au sein des forces spéciales israéliennes.
Suit alors un épisode étrange sur lequel Noureddine Adam ne s’étend guère : quatorze mois de formation d’élite au sein des forces spéciales israéliennes. Un label de professionnalisme qui lui permet d’être recruté en 2003 au sein de la protection rapprochée de Cheikh Zayed à Abou Dhabi. En 2007, il démissionne et installe à son compte une petite société de sécurité à Sharjah, toujours aux Émirats. Puis c’est l’appel du pays : de retour dans le nord de la Centrafrique via le Tchad, Adam rejoint fin 2009 la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), un mouvement politico-militaire alors dirigé par Charles Massi.
Allégeances
Pendant trois ans, Noureddine Adam passe le plus clair de son temps entre le maquis et le Tchad où il connaît des fortunes diverses, un moment arrêté pour connivences supposées avec les rebelles qui combattent Idriss Déby Itno, puis soutenu au point de passer bientôt pour « l’homme de N’Djamena ». On le voit rarement à Bangui, où François Bozizé, qui n’est jamais parvenu à le « retourner », se méfie de lui. Numéro deux de la Séléka dès sa création en août 2012, il est l’un des signataires des accords de paix de Libreville de janvier 2013 avec le grade de général trois étoiles, sans cacher pour autant ses allégeances : c’est de N’Djamena qu’il débarque dans la capitale gabonaise pour participer aux pourparlers et c’est à N’Djamena qu’il s’en retourne, une fois ceux-là conclus. Début mars, ses troupes sont les premières à violer le cessez-le-feu en s’emparant de Sido, à la frontière tchadienne, puis de Bangassou. La suite est connue : feignant de négocier, Adam regagne Bangui mais roule tout le monde dans la farine avant de réapparaître à Sibut, d’où il déclenche l’offensive finale.
Depuis, cet arabisant au français heurté et qui ne se sépare jamais de sa canne de commandement s’efforce avec peine de ramener un semblant d’ordre. Celui qui dit être entré en rébellion pour lutter contre « les inégalités et les injustices » dont seraient victimes les Centrafricains du Nord fait déjà l’objet de bien des spéculations. En cause : ses relations distantes avec le président autoproclamé Michel Djotodia, à peine installé et déjà mal vu à N’Djamena…
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