Sahara occidental : compromis entre le Maroc et les États-Unis sur les droits de l’homme
L’ambassadrice américaine Susan Rice avait demandé que le mandat de la force onusienne (Minurso) soit étendu à la surveillance des droits de l’homme. Pris de court, le royaume a réagi vertement. Et a finalement obtenu un compromis dans le nouveau texte qui devrait être voté jeudi 25 avril.
À Rabat, le soutien de François Hollande au plan d’autonomie marocain au Sahara avait entretenu l’euphorie. Sa visite d’État, début avril, s’était très bien passée. D’où la sévère gueule de bois des responsables marocains lorsqu’ils ont appris, « comme tout le monde », le projet de résolution porté par Susan Rice, l’ambassadrice américaine à l’ONU, le 9 avril. Ce texte prévoyait de doter la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) d’un mandat étendu aux droits de l’homme. Dans la terminologie appropriée, il s’agissait d’un mécanisme de « surveillance » (monitoring) et de « compte rendu » (reporting) des atteintes à ces droits, tant au Sahara occidental, largement sous administration marocaine, que dans les camps de Tindouf, contrôlés par le Front Polisario.
Le Maroc, qui s’y est opposé, a dénoncé une « instrumentalisation des droits de l’homme, avec l’appui, conscient ou inconscient, de quelques ONG internationales ». Et Rabat a finalement eu gain de cause. « Les droits de l’homme seront davantage mentionnés que l’an dernier dans le texte [qui sera soumis au vote jeudi, NDLR], et celui-ci encourage des efforts et des progrès dans ce domaine », a indiqué un diplomate au courant des négociations.
« C’est une manière d’avertir les Marocains que la communauté internationale surveille davantage la situation au Sahara occidental », a souligné un autre diplomate. L’an dernier le Conseil avait prolongé le mandat de la Minurso tout en demandant au Maroc d’améliorer la situation.
"Occasion manquée"
« C’est une occasion manquée et une déception de voir les États-Unis reculer devant les Marocains, qui ont réagi avec excès », a pour sa part déclaré le directeur pour l’ONU de Human Rights Watch (HRW), Philippe Bolopion. Mais le compromis de cette année ne pourra tenir que si le Maroc autorise des visites régulières d’experts des droits de l’homme de l’ONU au Sahara occidental et que l’Algérie fait de même dans les camps contrôlés par le Polisario autour de Tindouf.
L’évolution de la position américaine, si elle s’est assouplie in extremis, ne vient pas totalement par surprise. Dans son rapport du 8 avril, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, observe d’ailleurs que « la surveillance indépendante, impartiale, complète et constante de la situation des droits de l’homme au Sahara occidental et dans les camps devient plus que jamais une nécessité primordiale ».
Jusque-là, la diplomatie marocaine pouvait compter sur la bienveillance américaine, en particulier tout au long du premier mandat de Barack Obama, avec Hillary Clinton dans le rôle de marraine. Et surtout sur le soutien de la France, qui a parfois servi de dernier rempart. Notamment quand le Royaume-Uni a fait une proposition similaire il y a deux ans. « C’est totalement inédit. Le Maroc, membre non permanent du Conseil de sécurité, a été mis devant le fait accompli [de l’exigence américaine avant que le compromis ne soit trouvé, NDLR]. Le Groupe des amis du Sahara occidental [États-Unis, France, Espagne, Royaume-Uni et Russie, NDLR] aussi », indique un diplomate français. « Ce n’était ni la bonne méthode, ni le bon timing », ajoute la même source.
Passe d’armes
Face à la position américaine, la réaction marocaine ne s’était pas fait attendre. Le 15 avril, les chefs de parti avaient été convoqués à une réunion de crise au palais, et African Lion 2013, les manœuvres militaires conjointes maroco-américaines prévues à Agadir (sud du Maroc), avaient été reportées sine die, selon nos sources. Par ailleurs, les Marocains dénonçaient le rôle joué par le Robert F. Kennedy Center for Justice and Human Rights.
Kerry Kennedy, sa présidente, fille de Robert, l’ancien ministre de la Justice, et nièce de John Fitzgerald Kennedy, a mené fin 2012 une mission très médiatisée dans les « Provinces du Sud », dont elle a tiré un rapport sévère. « Elle a aujourd’hui bien plus d’influence auprès de John Kerry [le nouveau secrétaire d’État américain]. Il y a là-dedans le poids de la dynastie, la culpabilité des démocrates », note perfidement un responsable marocain.
On peut aussi voir dans cette passe d’armes entre Rabat et Washington une conséquence du bras de fer engagé par le Maroc autour du « cas » Christopher Ross. Récusé par Rabat, ce haut diplomate américain a finalement été maintenu dans ses fonctions d’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental. Une façon de rendre la monnaie de sa pièce au royaume.
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Par Youssef Aït Akdim
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