Maroc : Mehdi Qotbi et Yahya, calligraphes

Le peintre marocain Mehdi Qotbi s’est associé à son compatriote Yahya pour sculpter la lumière et bousculer les traditions.

« Three Pillars », laiton finition bronze. © Yahya Group/Warren Wasley Patterson

« Three Pillars », laiton finition bronze. © Yahya Group/Warren Wasley Patterson

ProfilAuteur_SeverineKodjo

Publié le 25 avril 2013 Lecture : 2 minutes.

Bruits de perceuses, coups de marteau auxquels répondent en écho les grésillements causés par un fer à souder… c’est l’ébullition au coeur du Mobile Art, le pavillon créé par l’architecte britannique d’origine irakienne Zaha Hadid et installé sur le parvis de l’Institut du monde arabe à Paris. La veille du vernissage de l’exposition « Lumière invisible » de Mehdi Qotbi et Yahya, il reste encore bien des détails à régler, des oeuvres à installer, des lumières à orienter. Pourtant, les deux artistes marocains s’amusent. Ils enchaînent les interviews et les séances photo avec bonhomie et bonne humeur, répondent aux sollicitations des connaissances de passage, de la commissaire de l’exposition, Élisabeth Azoulay, et des ouvriers qui attendent des indications pour parachever la mise en scène.

La gouaille facile, le rire tonitruant, Mehdi Qotbi n’est pas peu fier du travail accompli. Lui et Yahya présentent 17 oeuvres communes, un projet qui aura mis cinq années à se réaliser. « On en a parlé en 2008, explique Yahya. Mais il nous a fallu du temps pour que ça mûrisse et deux ans pour confectionner les pièces, car cela nous a demandé de relever certains défis techniques. » Les deux compères ont choisi de partir des lettres que calligraphie Qotbi depuis maintenant quarante ans pour composer des sculptures qu’a façonnées, lettre par lettre, Yahya dans ses ateliers de Marrakech avec l’aide d’artisans spécialisés. Mehdi Qotbi a alors troqué les couleurs vives qui composent habituellement son univers contre la sobriété et l’élégance du bronze et de l’acier. « J’ai proposé à Yahya que l’on travaille ensemble, explique-t-il, car il transforme le métal en dentelle, comme je peux le faire avec le papier et mes pinceaux. » « Notre approche est complémentaire », renchérit l’orfèvre autodidacte.

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En ciselant la matière, les deux artistes ont joué avec les perspectives et le relief afin de faire naître la lumière de manière inattendue, de la faire surgir là où on ne l’attend pas ou en jouant avec son évanescence pour donner à voir « l’invisible ». Jeu d’ombre et d’éclats, les oeuvres réinventent la tradition calligraphique et s’offrent différemment à chaque visiteur. Les sigles se répètent à l’infini et promettent une variété d’interprétations et d’appréciations. « Seule la recherche du beau nous a guidés, explique Yahya. Chacun ressent ce qu’il veut face à notre art. C’est ça la beauté de la vie, non ? »

Ouverture

Véritable self-made-man issu d’une famille modeste de Rabat, formé à l’école coranique enfant et aux beaux-arts de Toulouse au sortir de l’adolescence dans les années 1970, Mehdi Qotbi a libéré l’écriture de toute signification. « Je me suis inventé un langage personnel à partir des lettres arabes, précise-t-il. Mais dans une dimension universelle, car ce langage transcende les frontières. » Une ouverture qui a amené le peintre à composer une oeuvre entre Orient, Afrique et Occident et qui ne pouvait que rencontrer le « métissage » que revendique son cadet Yahya, né à Londres en 1972 d’une mère anglo-allemande chrétienne et d’un père juif marocain et qui s’est converti à l’islam adulte. Résultat : Qotbi et Yahya s’affranchissent des codes de la calligraphie et de la dinanderie, naviguant entre tradition et modernité, art contemporain et design.

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