Gabon : les trois fils adoptifs du Gabon

L’un a débarqué à Libreville il y a plus d’un demi-siècle, l’autre au coeur de la Lopé il y a près de vingt-cinq ans. Des origines et des parcours différents, mais un même attachement viscéral au pays dont ils sont devenus, chacun à sa façon, des figures.

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Publié le 26 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

Le Gabon change-t-il vraiment ?
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Le Gabon change-t-il vraiment ?

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Le regard impassible d’un samouraï en méditation, immobile derrière l’épaisse planche de padouk – appelé aussi bois de corail – qui sert de comptoir, Christian Desplaces scrute les allées et venues de ses employés qui déposent poulet au curry, steaks tartares ou crabes farcis devant ses clients. Aujourd’hui niché dans un jardin de Louis, son restaurant, La Tonkinoise, est l’héritier d’une institution familiale fondée il y a un demi-siècle et qui a compté Omar Bongo Ondimba parmi ses visiteurs. C’est en 1956, alors âgé de 4 ans, que le Franco-Vietnamien se retrouve à Libreville. L’Indochine n’est plus française, le Gabon si. En 1960, le pays accède à l’indépendance, et Christian grandit au rythme du jeune État. Davantage porté vers les arts martiaux que sur les études, il a d’abord fait carrière dans la sécurité en assurant celle des puissants. Ce qui le rendra témoin des petits détails du pouvoir, de ceux qui donnent du corps à l’Histoire. En 1994, il quitte le dojo pour prendre la relève de sa mère au restaurant. Rentrer en France ou au Vietnam ? Il n’y pense pas. Sa place est au Gabon, pour toujours.

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  • Lee White : Greystoke du XXIè siècle

Britannique depuis sa naissance, il y a 47 ans, il est aussi gabonais depuis sa naturalisation, en 2008. Et sûrement bien avant. Depuis qu’il s’est mis au service de sa forêt, deux de ses trois enfants sont nés, dans les années 1990. De son île natale, Lee White a gardé l’humour discret, le teint de porcelaine et un léger accent qui adoucit son excellent français. Mais il règne aujourd’hui sur les jungles du Gabon, où il a été nommé secrétaire exécutif de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) en octobre 2009. Né à Manchester, dans le nord-est de l’Angleterre, il effectue dès sa petite enfance des allers-retours entre l’Afrique et l’Europe. Après un cursus primaire en Ouganda et secondaire au Royaume-Uni, White prend son premier poste d’assistant de recherche en Sierra Leone alors qu’il prépare sa maîtrise en zoologie, puis s’engage en tant que conservateur dans une réserve au Nigeria. Inscrit à l’université d’Édimbourg pour un doctorat, il établit son campement au Gabon, en 1989, dans la réserve de la Lopé-Okanga, une aire protégée de 5 000 m2 au coeur du pays. Il a trouvé son éden. Diplômé en 1992, il s’y installe pendant cinq ans en tant que scientifique associé pour l’ONG américaine Wildlife Conservation Society (WCS), avant de prendre la direction de WCS Gabon, en 1997. L’influence décisive de Lee White dans la création du réseau des parcs nationaux du pays, en 2002, en a fait un conseiller privilégié de la présidence en matière environnementale. Il est aujourd’hui un acteur essentiel du pilier Gabon vert du Plan d’émergence d’Ali Bongo Ondimba.

 

  • Luc Lemaire : reparti au coeur du monde
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C’était son recueil de poésie préféré, Au coeur du monde, de Cendrars. « Luc a été de ceux qui, nés Européens, ont choisi d’afficher ce qui fait d’eux des Africains à part entière », écrit Michael Benson, Camerounais résidant à Washington, sur la page Facebook de Luc Lemaire, noyée sous les hommages. Cette figure des médias gabonais a été emportée, le 27 mars, par une crise foudroyante de paludisme, grand fléau du continent. Il laisse sa femme – qu’il avait épousée le 27 mars 2010 – et leurs trois jeunes enfants.

Luc Lemaire avait fêté en janvier ses 51 ans, dont quatorze passés au Gabon. Devenu journaliste à la fin des années 1980 après des études encyclopédiques – mathématiques, puis photographie à l’école Louis-Lumière, audiovisuel et société à Paris-VIII, préhistoire à Paris-X -, il fit escale à Libreville un jour de 1999 et ne l’a plus quittée. « Le hasard n’existe pas », aurait-il dit, en bon Gaboma. Après une quinzaine d’années à bourlinguer à travers le monde, il pose donc ses valises dans la capitale gabonaise pour y travailler dans la communication (chez Afrocom International puis chez Télécel, devenu Moov Gabon). Il participe, entre autres, à la naissance de la radio librevilloise Black FM, crée sa société – les Éditions ACI -, devient éditeur du site gaboneco.com (repris depuis) et, en 2007, lance le mensuel Business Gabon. En mars 2011, les Éditions ACI s’effacent pour laisser la place à quatre entreprises spécialisées : ACI Presse pour l’édition et la presse (Business Gabon, les lettres d’informations Green Business et Confidentiel Gabon ainsi que le site gabonreview.com, dont il était directeur de la rédaction), Impress (imprimerie numérique), Item CPC (studio multimédia et production déléguée) et Studio graphique (création graphique). En deux ans, le quotidien en ligne Gabonreview était devenu la référence en matière d’informations sur le pays. Pays qui vient de perdre l’un de ses fils adoptifs les plus féconds.

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