France-Gabon : le changement en douceur

L’un et l’autre se disent à mille lieues de la Françafrique. Quels liens tissent donc François Hollande et Ali Bongo Ondimba entre leurs deux pays ?

François Hollande (à g.) et Ali Bongo. © Dom

François Hollande (à g.) et Ali Bongo. © Dom

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Publié le 26 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

Le Gabon change-t-il vraiment ?
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Le Gabon change-t-il vraiment ?

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Les relations entre la France et le Gabon, traditionnellement denses et ponctuées de nombreuses visites bilatérales, sont à l’heure du changement. Depuis l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, en mai 2012, le président français n’a rencontré qu’une seule fois son homologue gabonais, Ali Bongo Ondimba.

Deux mois après son élection, en mai 2007, Nicolas Sarkozy avait achevé sa première tournée en Afrique subsaharienne par le Gabon d’Omar Bongo, en dépit des réticences de plusieurs membres de son entourage. Quand Ali Bongo succéda à son père, c’est à Paris qu’il a effectué sa première visite bilatérale hors de la sous-région (20 novembre 2009). Il a par la suite été reçu plusieurs fois à l’Élysée (décembre 2009, juillet 2010, septembre 2010, février 2011), et a lui-même accueilli Nicolas Sarkozy à Libreville en février 2010.

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Normalisation

Sans doute le « changement » promis par François Hollande y est-il pour quelque chose. Changement de style, avec un rapport moins personnel et donc moins chaleureux avec les chefs d’État de l’ancien « pré carré », que par ailleurs il connaissait peu. Changement de méthode, avec la disparition des réseaux politico-affairistes et leur cohorte d’intermédiaires de l’ombre, à l’instar de Robert Bourgi, acteurs d’une Françafrique honnie et d’une époque révolue dont on ne veut plus entendre parler à l’Élysée. Signe de ces nouveaux temps, la « cellule Afrique » n’existe plus. À sa place officient Hélène Le Gall, une diplomate spécialiste du continent, et son adjoint, Thomas Melonio, un trentenaire venu de la Rue de Solferino, le siège du Parti socialiste français. Tous deux travaillent sous l’autorité d’un conseiller diplomatique, Paul Jean-Ortiz, et non plus directement sous celle du président.

Le président gabonais a aussi pris ses distances avec les officines de l’"Afrique à papa".

Avec François Hollande, plus question d’ostraciser les opposants ni de mépriser la société civile. Zacharie Myboto, Jean Eyeghe Ndong et d’autres leaders de l’opposition gabonaise parlent avec Le Gall, tout comme Marc Ona Essangui, figure de la société civile. « Hollande a érigé la bonne gouvernance et le développement de la démocratie comme principe directeur de ses relations avec les Africains », décrypte un diplomate français. Que l’avocat William Bourdon, président de l’association Sherpa – par ailleurs plaignante dans le dossier des « biens mal acquis » visant notamment la famille Bongo -, ait été nommé conseiller aux droits de l’homme du président français a mis sur leurs gardes les chefs d’État concernés. Mais les principes de bonne gouvernance n’excluant pas le pragmatisme économique et la continuité des bonnes affaires, on imagine mal que les florissantes relations économiques entre les deux pays ne se poursuivent pas.

Armes égales

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En 2011, le Gabon était en effet devenu le quatrième client de la France en Afrique subsaharienne et le premier au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Stimulées par l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2012), les exportations françaises avaient atteint cette même année le niveau inégalé de 780 millions d’euros, soit une hausse de 37,5 % par rapport à 2010. La France demeure le pays qui crée le plus d’entreprises au Gabon, et son activité couvre l’ensemble des secteurs économiques.

Le président gabonais a lui aussi pris ses distances avec les officines postcoloniales de « l’Afrique à papa ». Il a ainsi déclaré à plusieurs reprises qu’il ne se sentait pas concerné par la Françafrique, et il tisse peu à peu des amitiés avec le Moyen-Orient, l’Asie et l’Amérique du Sud émergentes, expliquant qu’il souhaite quitter le « tête-à-tête » avec la France pour s’ouvrir à d’autres partenaires. En filigrane, c’est signifier à certaines entreprises françaises que le temps des passe-droits est terminé. Elles devront se battre à armes égales avec les nouvelles venues chinoises, singapouriennes… Ce qui n’empêche pas que la France reste l’incontournable garante de la sécurité du Gabon. Paris a conservé à Libreville l’une de ses quatre bases militaires permanentes en Afrique. Sur ce plan, le changement n’est pas pour demain.

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