Opposition gabonaise : un vrai panier de crabes
Face au Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir, les partis sont nombreux. Et incapables de trouver un terrain d’entente pour faire front commun.
Le Gabon change-t-il vraiment ?
Entravée et muselée l’opposition gabonaise ? Déchaînée et plus véhémente que jamais ! Zacharie Myboto, 75 ans, cofondateur et président de l’Union nationale (UN, officiellement dissoute), le concède : « Nous avons toujours notre siège et pouvons opérer sur l’ensemble du territoire, mais sans avoir la possibilité d’organiser des réunions publiques ou des manifestations. » Si la dernière grosse manifestation, en août 2012, s’est soldée par l’emprisonnement de dizaines de participants, que les leaders de l’opposition sont surveillés et font l’objet de pressions, l’opposition reste cependant libre, de même que les médias dont elle est proche, qui ne se privent pas de tirer à boulets rouges sur le pouvoir en étant rarement inquiétés.
Un constat qui transparaît dans l’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG) paru en octobre, qui place le Gabon au 22e rang sur 52 pays classés, avec un score de 53,6/100, en hausse tout de même de 4,2 points par rapport à 2009. Mais, naturellement, dans l’opposition on préfère parler du verre à moitié vide. Et ceux-là mêmes qui ont décidé le boycott des législatives de 2011 dénoncent aujourd’hui un « Parlement soviétique », où la majorité présidentielle dispose de cent quatorze sièges sur cent vingt.
Éclipse
L’opposition peut-elle faire le poids et s’unir face au Parti démocratique gabonais (PDG) ? Rien n’est moins sûr après le décès du leader de l’Union du peuple gabonais (UPG), Pierre Mamboundou, en octobre 2011, et l’éclipse, puis les problèmes de santé, d’André Mba Obame. Arrivé troisième à la présidentielle de 2009, ce dernier s’était autoproclamé président de la République un an et demi plus tard, en janvier 2011, et avait même nommé les membres de son « gouvernement », entraînant la dissolution de l’UN, dont il était secrétaire exécutif. Les leaders de l’opposition gabonaise s’accordent sur certains points. Notamment pour critiquer les piliers du projet d’Ali Bongo Ondimba : « Des effets d’annonce et de la politique-spectacle, résume Myboto. Concrètement, en trois ans, rien n’a été fait : le taux de chômage frôle les 20 %, et il suffit de constater l’état dramatique de l’éducation et de la santé. » Ils réclament également à l’unisson la bonne gouvernance : ouverture d’un dialogue national, réformes constitutionnelles sur la fonction présidentielle (avec un scrutin à deux tours et la limitation du nombre de mandats à deux consécutifs) et mise en place de la biométrie pour garantir la transparence des scrutins.
Mais les conditions réclamées pour cette concertation ne sont pas les mêmes pour tous. Les plus radicaux de l’UN exigent la convocation d’une Conférence souveraine qui déciderait d’un nouveau statut du chef de l’État. L’un de ses cofondateurs, Casimir Oyé Mba, comprend lui que « le mot "souveraine" effraie le pouvoir » et souligne que « l’important c’est d’ouvrir un dialogue inclusif ». Quant à Louis-Gaston Mayila, président de l’Union pour la nouvelle République (UPNR), il est carrément qualifié de « vendu » par certains parce qu’il accepte de communiquer avec la présidence. « Je ne conçois pas l’opposition comme un exercice de réclamations unilatérales », dit-il.
Renversement
En septembre, les partis de l’opposition avaient pourtant organisé des assises à Mouila (Sud, ville natale de Pierre Mamboundou), à l’issue desquelles ils annoncèrent leur regroupement au sein d’une vaste coalition : l’Union des forces du changement (UFC). Deux mois plus tard, la nouvelle union se délitait déjà. Mayila et l’UPNR étaient exclus de ses rangs pour avoir remis en question la réhabilitation de l’UN et déposé le nom « UFC » (rejointe depuis par treize autres organisations) auprès du ministère de l’Intérieur.
En conséquence, les autres ex-partenaires de Mouila créaient une coalition rivale, l’Union des forces pour l’alternance (UFA), regroupant douze partis. « J’avais oublié qu’à Mouila il y avait des gens qui avaient servi le maître [allusion au passé pédégiste des fondateurs de l’UN, NDLR] et voulaient régler des comptes non soldés… C’est pour ça que je suis pour le renversement du système Bongo Ondimba, quand d’autres ne sont que pour le remplacement du régime Ali », remarque quant à lui Richard Moulomba, ex-secrétaire général de l’UPG et président fondateur d’un autre mouvement, l’Alliance pour la renaissance nationale (Arena). Une chatte n’y retrouverait pas ses petits.
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Par Laurent de Saint Périer, envoyé spécial
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