Italie : opéra bouffe

Depuis les législatives de février, les principaux partis sont incapables de s’entendre pour former un gouvernement. Et le mandat du président arrive à son terme en mai !

Le président G. Napolitano (dr.). © SIPA

Le président G. Napolitano (dr.). © SIPA

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Publié le 19 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

Sans gouvernement depuis huit semaines, l’Italie ressemble à une célibataire désespérée dont le père, Giorgio Napolitano (un président de la République de 87 ans, en fin de mandat), ne sait à qui accorder la main. Ses prétendants ? Un amant truffé d’implants dentaires et capillaires – Silvio Berlusconi – et un fiancé plan-plan – le social-démocrate Pier Luigi Bersani. Briseur de ménage, le populiste Beppe Grillo s’oppose à ce que son Mouvement cinq étoiles (M5S) s’unisse au Parti démocrate (PD) de Bersani pour former une majorité. Quant à Mario Monti, actuel président du Conseil, il voudrait divorcer, mais est contraint de continuer à expédier les affaires courantes, faute de remplaçant. Cruel destin pour cet eurocrate, porté aux nues lorsqu’il fut appelé à la tête du pays pour le sauver de la banqueroute (plus de 70 % d’opinions favorables, fin 2011), et qui, après avoir infligé des mois de rigueur à ses compatriotes, n’a obtenu que 10 % aux législatives du mois de février.

Lors de ce même scrutin, le PD, le parti du Peuple de la liberté (PDL) de Berlusconi et le M5S de Grillo sont arrivés au coude-à-coude, avec respectivement 29,4 %, 29,1 % et 25,5 % des voix. Des scores serrés qui, joints à une loi électorale qualifiée de « cochonnerie » par ses propres concepteurs, rendent le pays ingouvernable. Majoritaire à la Chambre des députés mais minoritaire au Sénat, le PD ne peut diriger seul. Il a le choix entre un Berlusconi cerné par les affaires judiciaires (fraude fiscale, prostitution de mineures, abus de pouvoir) et un Grillo dont le fonds de commerce consiste à insulter les partis traditionnels.

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Espérant que ce dernier cesserait ses clowneries une fois la campagne terminée, Bersani a tendu la main aux élus du M5S. Mais Grillo s’obstine : il refuse de gouverner avec celui qu’il traite de « vieux micheton ».

En échange du fauteuil de président, Berlusconi est prêt à s’allier avec n’importe qui.

Reste Berlusconi qui, en embuscade, attend qu’on le supplie de dénouer la situation. Il ne demande pas mieux que de former une grande coalition avec le PD et les centristes de Monti. Avec n’importe qui, en fait. Car l’essentiel n’est pas de sortir le pays de la crise politique et économique – il a largement contribué à cette dernière durant ses années de pouvoir -, mais de sauver sa petite personne. En échange de son soutien, il réclame pour lui, l’un de ses proches ou, à défaut, une personnalité attentive aux problèmes du justiciable Berlusconi le fauteuil de président de la République, un poste stratégique puisque le chef de l’État préside le Conseil supérieur de la magistrature et dispose du droit de grâce. Une assurance tous risques que le chef du PD refuse pour le moment de lui accorder. « Bersani a mal joué, commente le politologue Giovanni Sartori. Depuis qu’il s’est emparé de la présidence des deux chambres, le PD n’a plus d’autre poste à négocier avec Berlusconi que celui de président de la République. » Trop proche du terme de son mandat, Napolitano ne peut dissoudre le Parlement. Le 18 avril s’ouvrira la course à sa succession. Âpres marchandages en perspective ! S’ils venaient à échouer, l’Italie, déjà privée de gouvernement, pourrait se retrouver sans président. En attendant, Napolitano a nommé un aréopage d’experts chargés de préparer le travail à un prochain gouvernement, à commencer par une réforme de la loi électorale.

De leur côté, syndicats et patronat supplient les acteurs de cette tragicomédie d’y mettre fin avant que les marchés financiers ne repassent à l’attaque. Le temps presse : la troisième économie de la zone euro est en récession, sa dette atteint 127 % du PIB, le chômage frappe 12 % de la population active, les entreprises sont à cours de liquidités et ferment à un rythme accéléré.

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