Israël : le « prisonnier X », traître malgré lui

Le « prisonnier X » retrouvé mort dans sa cellule en 2010 était bien un agent du Mossad, accusé d’avoir livré des informations au Hezbollah. Récit d’une tragique affaire d’espionnage.

Australien d’origine, Ben Zygier avait émigré en Israël. © DR

Australien d’origine, Ben Zygier avait émigré en Israël. © DR

perez

Publié le 22 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

Il aura fallu de longues semaines d’enquête et l’évidente complicité d’hommes de l’ombre pour permettre à Ronen Bergman, éditorialiste reconnu de la presse israélienne, et à plusieurs journalistes associés à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel de reconstituer les éléments d’une intrigue d’espionnage où se mêlent confusément ego et sentiments patriotiques.

Ce 15 décembre 2010, il est 8 h 19 quand les geôliers du centre pénitencier d’Ayalon, le plus sécurisé d’Israël, découvrent le corps inerte de Ben Zygier, pendu dans sa cellule. L’homme de 34 ans, australien d’origine, est inhumé quelques jours plus tard dans le cimetière juif de Springvale, dans la banlieue de Melbourne. À cette époque, son père, Geoffrey, ignore qu’il enterre un agent du Mossad et s’interroge sur ce qui a pu pousser au suicide son fils, ce brillant avocat qui avait fait le choix d’immigrer en Terre promise, de s’engager dans l’armée par patriotisme avant d’épouser une ravissante Israélienne qui lui donnera deux enfants.

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« Son histoire est celle d’un jeune homme qui rêvait de devenir un héros d’Israël, prêt à tous les risques pour y parvenir », résume Ronen Bergman. Son premier contact avec le Mossad, au début des années 2000, n’a pourtant rien d’épique. C’est en s’inscrivant sur leur site internet que Ben Zygier approche les services secrets israéliens. Il répondait à une bannière publicitaire : « le job de votre vie ».

Trois passeports

Son profil séduit d’autant plus l’État hébreu que la loi australienne autorise ses citoyens à renouveler leurs pièces d’identité sous un nom différent. D’après Melbourne, Ben Zygier utilisera ceux de Ben Alon et Ben Allen, possédant jusqu’à trois passeports. Il achève sa première phase de tests en décembre 2003. Un an plus tard, après avoir bénéficié d’une formation intensive, il reçoit sa première mission dans un pays du sud de l’Europe : infiltrer une entreprise coopérant avec l’Iran.

Affecté au service de comptabilité de la société, Zygier franchit rapidement les échelons et devient l’intermédiaire de plusieurs clients. Mais au moment où il peut enfin passer à la phase critique, celle du recrutement d’informateurs, l’agent rencontre des difficultés relationnelles avec ses collègues, paraît de moins en moins investi dans son travail et n’est pas loin de faire perdre à la société l’un de ses principaux partenaires. Licencié en 2006, Zygier est envoyé par le Mossad en Europe de l’Est pour d’autres missions du même type. Mais ses performances ne donnent pas satisfaction, et il finit par être rappelé à Tel-Aviv mi-2007. « Il n’était ni bon ni mauvais, juste médiocre pour un homme de terrain », confie une source proche du dossier.

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Frustré

Au quartier général du Mossad, Ben Zygier est rattaché à l’unité Tzomet (« carrefour »), un département où sont analysées et classées toutes les informations parvenant aux services de renseignements israéliens. Frustré d’être réduit à des tâches administratives, Zygier veut prouver à ses supérieurs que sa place est ailleurs. Prétextant des études à Melbourne, il entreprend plusieurs voyages en Europe de l’Est où il approche un responsable du Hezbollah.

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Zygier agit de son propre chef, sans coordination, et n’a qu’une obsession : ramener une nouvelle source au Mossad. Sauf que pour rester crédible, il n’hésite pas à livrer des informations ultra­sensibles à l’organisation chiite libanaise. En 2009, plusieurs réseaux d’espions libanais collaborant avec les Israéliens sont démantelés dans la vallée de la Bekaa. Parmi les personnes arrêtées figure Ziad al-Homsi – nom de code : l’Indien -, qui était chargé de traquer le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah.

Le Mossad est désarçonné. Depuis Beyrouth, l’un de ses agents découvre qu’un jeune citoyen australien serait devenu le principal relais du Hezbollah. Discrètement convoqué à Tel-Aviv pour une réunion, Ben Zygier est immédiatement arrêté. Devenu un traître malgré lui, il est incarcéré dans la cellule 15 de la prison d’Ayalon, celle habituellement réservée aux ennemis de l’État d’Israël. Il ne supportera pas longtemps son sort.

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