Ghizlane Agzenai, du street art à l’art du luxe

L’artiste tangéroise, installée à Casablanca, signe une collaboration avec le parfumeur Guerlain. Une reconnaissance pour l’art urbain marocain.

Ghizlane Agzenai dans la boutique Guerlain rue Saint-Honoré, à Paris, le 2 septembre 2022. © Yasmine Bennis

eva sauphie

Publié le 2 octobre 2022 Lecture : 3 minutes.

Rue Saint-Honoré, non loin de la très chic place Vendôme à Paris. C’est à cet emplacement que se niche la boutique du célèbre parfumeur français, dont les vitrines d’ordinaire fleuries ont laissé place à une installation géométrique et colorée. Un tournant graphique et contemporain pour la maison, vieille de près de deux siècles, que l’on doit à la jeune artiste marocaine, Ghizlane Agzenai. « Je suis sortie de ma zone de confort en collaborant avec cette marque historique, c’était un nouvel exercice », pose cette native de Tanger qui a pour habitude d’investir l’espace urbain. Fresques murales, plaques hypnotiques accrochées sur des murs de graffitis à Paris, Barcelone, Rabat ou Casa…

L’ancienne consultante en communication fait partie de cette génération d’artistes qui prouvent que street art peut rimer avec prestige. « Je me considère comme une artiste au sens large. Je ne me cantonne pas à un seul univers et peut très bien exposer dans des galeries, dans la rue ou collaborer avec des marques », confirme celle qui n’était qu’une inconnue du monde de l’art il y a encore six ans.

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Art optique

Pour la marque du groupe LVMH, Ghizlane Agzenai a ainsi imaginé et réalisé la décoration des boutiques. Mais elle signe aussi les plaques qui referment les flacons de trois nouvelles fragrances déclinées autour du bois de oud de la collection L’art et la matière. Une série limitée de 500 pièces où le double G emblématique de l’enseigne de luxe a été troqué contre des motifs abstraits rectilignes et minimalistes, et des aplats de couleurs jaunes, violets, noirs et roses… Une esthétique qui n’est pas sans rappeler celle des zelliges marocains. Mais ni rosaces ni carrelages ne viennent habiller les œuvres conceptuelles de l’artiste, qu’elle aime appeler « totems ». C’est surtout dans l’op art, ou art optique – courant des années 1960 emmené par des chefs de fil comme Victor Vasarely ou Franck Stella – que cette illusionniste situe sa pratique.

Passionnée de science-fiction, Ghizlane Agzenai puise autant ses influences dans les films rétrofuturistes qui ont bercé son enfance que dans les pays qu’elle a sillonné. Globe-trotteuse, elle a vécu au Mexique, « un pays tellement haut en couleurs », en France et en Grande-Bretagne pour ses études, mais aussi en Allemagne, à Berlin, en 2016. Une année décisive où l’autodidacte fait la rencontre de la scène arty bouillonnante de la ville, et notamment du mouvement low brow, une branche du surréalisme pop teintée d’humour.

Messages optimistes

Si la nouvelle génération d’artistes urbains d’Afrique du Nord véhiculent majoritairement des messages politiques dans le sillage des printemps arabes, Ghizlane Agzenai, elle, préfère transmettre « espoir et optimisme à la jeunesse » à travers des réalisations ludiques et décoratives. Un style qui a su séduire les opérateurs culturels locaux, toujours plus actifs dans la valorisation de l’art urbain.

C’est notamment le cas du festival Jidar dédié au genre, qui se tient depuis 2015 à Rabat. « J’ai eu la chance de participer à l’édition de 2018 et de voir se réunir artistes mondialement connus et jeunes pousses du street art marocain. Le travail abattu par ce festival maroco-marocain est formidable », s’enthousiasme celle qui a eu, à cette occasion, l’opportunité de réaliser une fresque sur la façade du Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain. Soutenue depuis par la Galerie 38, à Casablanca, Ghizlane Agzenai compte bien continuer à défendre ses totems à géométrie variable, et espère injecter de la couleur jusqu’aux États-Unis et en Asie.

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