Biodiversité : l’appel de Mahamadou Issoufou et Ellen Johnson Sirleaf pour contrer le désastre environnemental

Alors que se tient à Dakar, jusqu’au 16 septembre, la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (AMCEN), quatre anciens chefs d’État* plaident pour la mise en place urgente de mesures de conservation de la biodiversité sur le continent, afin d’enrayer le désastre environnemental auquel il est confronté.

Vue aérienne de la forêt de l’aire protégée de Gamba. © ARNAUD GRETH/Biosphoto via AFP

Ellen Johnson-Sirleaf en février 2015. © J. Scott Applewhite/AP/SIPA Mahamadou Issoufou à Niamey, en 2016 Mahamadou Issoufou
© Vincent Fournier/JA JAD20220914-TRIBUNE-BIODIVERSITE-FESTUSMOGAE Hailemariam Desalegn Boshe© DR Hailemariam Desalegn Boshe
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Publié le 14 septembre 2022 Lecture : 6 minutes.

[Tribune] La biodiversité de l’Afrique est l’un de ses principaux atouts. En effet, le continent abrite l’une des régions les plus riches de la planète en la matière, fournissant des écosystèmes essentiels et agissant comme garde-fou contre le changement climatique. Cependant, aujourd’hui, cette biodiversité est à risque et se perd à un rythme sans précédent. On estime que d’ici à 2100, le changement climatique pourrait à lui seul entraîner la disparition de plus de la moitié des espèces d’oiseaux et de mammifères d’Afrique. Cette perte menacerait la sécurité alimentaire, hydrique, énergétique et sanitaire, ce qui entraînerait des répercussions négatives sur la vie de nombreux individus.

Le défi et l’urgence

Pourtant, dans le monde entier, les gouvernements redirigent les fonds initialement destinés à la biodiversité, à sa conservation et à la gestion des ressources naturelles vers d’autres causes. En conséquence, nous sommes confrontés à des défis uniques et devons absolument parer à cette perte de biodiversité.

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Notre biodiversité nécessite la mise en place urgente de mesures de conservation efficaces pour la soulager de l’immense pression exercée par la grave dégradation qu’elle subit actuellement. En parallèle, nos économies ont besoin de voies de croissance rapides afin de préserver la nature et soutenir les citoyens. Protéger la biodiversité, c’est pérenniser les acquis actuels de l’Afrique en matière de développement et préserver les besoins de développement des générations futures.

Redéfinir les enjeux de la conservation commence avec nous.

Bien que les efforts de conservation en Afrique aient été minés par des défis monumentaux et que cela soit déplorable, nous préférons nous concentrer sur les opportunités qui s’offrent aujourd’hui à nous. Il existe une solution à cette crise, mais elle sera uniquement envisageable si nous renouvelons tous notre engagement et notre détermination à surmonter ces obstacles. Nous devons cesser d’identifier des problèmes que nous connaissons déjà et travailler davantage collectivement à des solutions.  En un mot, il nous faut redéfinir la conservation de l’Afrique.

En réalité, ce processus a déjà commencé. Lors du Congrès sur les aires protégées en Afrique (APAC**), le tout premier rassemblement continental de dirigeants, citoyens et groupes d’intérêt africains, nous avons collaboré afin de proposer une approche unifiée de la conservation qui valorisera les populations et la nature africaines grâce à des aires protégées efficaces.

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Ensemble, nous avons identifié des actions prioritaires pour renforcer les aires protégées et conservées d’Afrique d’une manière qui soit juste et équitable. Ces actions comprennent la consolidation des droits des populations autochtones et des communautés locales, l’augmentation des investissements financiers publics et privés dans la conservation et sauvegarde de la nature et dans les zones protégées et conservées, ainsi que le renforcement de la collaboration, de la coopération et du partenariat panafricains pour les systèmes de zones protégées et conservées sur l’ensemble du continent.

Faire de la conservation de l’Afrique une priorité

Nous reconnaissons le rôle des ministres africains de l’Environnement en tant que représentants des efforts de sauvegarde et conservation de la biodiversité. Nous saluons d’ailleurs leur excellente initiative, notamment lors du traitement des questions délicates touchant à la conservation.

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La Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (AMCEN) qui se tient à Dakar (Sénégal) du 12 au 16 Septembre 2022, est l’occasion idéale pour les ministres africains de l’Environnement de continuer à contribuer positivement à la conservation de l’Afrique en approuvant collectivement les résultats du Congrès inaugural de l’Union internationale de conservation de la nature (IUCN) sur les aires protégées en Afrique (Apac), qui figurent dans l’Appel à l’action de Kigali. Il s’agit notamment de consolider les droits des populations autochtones et des communautés locales, d’accroître les investissements financiers publics et privés dans la préservation de la nature et les aires protégées et conservées, et de renforcer la collaboration, la coopération et le partenariat panafricains pour les systèmes d’aires protégées et conservées sur tout le continent.

Nous proposons que le Congrès de l’IUCN sur les aires protégées en Afrique devienne une plateforme permettant de réunir les acteurs de la conservation de l’Afrique. Nous espérons que les recommandations de ce Congrès seront adoptées et que l’impulsion créée lors de celui-ci se poursuivra au cours de futurs congrès où seront impliqués les acteurs de la conservation en Afrique, les partenaires du développement, les ONG internationales et le secteur privé. Nous espérons également qu’un plan concret sera mis en place et permettra d’observer une réelle progression.

Le manque de financement est l’un des principaux freins à nos efforts de conservation et de préservation. C’est un fait indiscutable. Or, les aires protégées et conservées d’Afrique, par exemple, permettent de lutter contre l’émergence et la propagation des zoonoses, de réduire les risques de catastrophe, de s’adapter au changement climatique et d’en atténuer ses effets, et de conserver la biodiversité. Ces aires ralentissent également la déforestation, réduisant ainsi l’incidence et la propagation, entre autres, de la malaria, du Covid et d’Ebola.

Institutionnaliser le Fonds panafricain pour la conservation

C’est pourquoi, au cours de cette session de l’AMCEN, nous invitons les ministres à prendre des mesures pour institutionnaliser le Fonds panafricain pour la conservation (A-PACT) dès que possible afin que nous soyons assurés d’un financement durable qui contribuera grandement aux efforts de conservation du continent africain. A-PACT est un mécanisme de financement durable, indépendant, dirigé par l’Afrique, qui vise à combler le déficit de financement des zones protégées et conservées d’Afrique et à permettre à ceux qui gèrent ces zones de disposer des ressources dont ils ont besoin pour mener à bien leur travail. Nous insistons sur l’importance d’allouer des ressources à la sauvegarde de l’environnement, même si nous reconnaissons qu’il existe de sérieuses contraintes budgétaires et des besoins concurrents.

C’est ainsi que cela doit être. Nous devons être les architectes de notre propre avenir.

Nous demandons à ces mêmes ministres de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (AMCEN) de continuer à faire de la conservation d’Afrique une priorité et d’engager leurs gouvernements afin que la protection de la biodiversité ne soit plus en marge des discussions lorsque les priorités de développement de votre pays sont fixées.

Nous sommes prêts à nous impliquer dans l’agenda de conservation.

En tant que porte-paroles de l’Africa Protected Areas Congress (APAC), nous sommes prêts à faire partie intégrante de l’élaboration du programme de conservation du continent. Nous serons heureux de continuer à intervenir en votre nom lorsqu’on nous le demandera et de vous apporter notre soutien, autant que nous le puissions, car nous avons entrevu l’avenir de la nature et, si nous n’agissons pas aujourd’hui, il ne s’annonce pas glorieux.

Perspective apocalyptique

Nous réitérons l’importance d’aller au-delà des mots et de prendre des mesures fortes et immédiates pour enrayer la dévastation de notre continent due aux actuelles limitations des systèmes qui soutiennent nos efforts de conservation.

Nous voulons également une nouvelle fois réaffirmer la triste réalité : le désastre environnemental auquel nous sommes confrontés est apocalyptique. Il y a cependant une lueur d’espoir, et celle-ci prend sa source ici même, avec l’appel à l’action de Kigali et votre engagement dans cette initiative. Nous pensons que ce congrès est historique car il a le pouvoir de poser des bases concrètes pour assurer l’avenir de la conservation d’Afrique.

La conservation doit et devrait être considérée comme un effort conjoint de tous, un voyage que nous devons entreprendre ensemble, car notre échec entraînerait des conséquences si graves que nous n’osons pas les envisager pleinement.

Nous connaissons les défis. Le public les connaît. Le moment est venu pour l’Afrique de redéfinir la conservation sur notre continent et d’agir dans notre intérêt collectif.

* Par Mahamadou Issoufou, ancien président du Niger, Festus Mogae, ancien chef d’État du Botswana, Ellen Johnson Sirleaf, ancienne présidente du Libéria, et Hailemariam Desalegn Boshe, ancien président de l’Éthiopie.

** L’APAC est le tout premier rassemblement continental de dirigeants, de citoyens et de groupes d’intérêt africains visant à discuter du rôle des zones protégées et conservées dans la protection de la nature, la sauvegarde des espèces sauvages emblématiques de l’Afrique, la fourniture de services écosystémiques vitaux et la promotion du développement durable tout en conservant le riche patrimoine culturel de l’Afrique.

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